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Encore Rosebud

Daniel Bovet
La Nation n° 1965 19 avril 2013

24 heures du 19 mars rendait compte d’un jugement rendu la veille par la Cour constitutionnelle sous le titre «La justice déboute les opposants à Rosebud.» Il aurait fallu dire: «La justice déboute deux opposants à Rosebud.» MM. Magnin et Wetter estimaient que, après le succès de la demande de référendum contre le décret du 12 juin 2012, le référendum devait avoir lieu nécessairement, et qu’en révoquant son décret sans que le peuple se prononce, le Grand Conseil privait les citoyens vaudois de l’exercice de leur droit. Le recours a été rejeté comme irrecevable pour des raisons formelles; mais il a été précisé qu’il devait aussi être rejeté pour des raisons de fond. Le Grand Conseil ne fait qu’user de sa liberté en révoquant une de ses décisions qui n’est pas encore entrée en force; un cas analogue s’est présenté au Canton d’Uri, il y a une trentaine d’années, pour faire l’objet d’une jurisprudence du Tribunal fédéral. Il faut observer qu’en annulant son décret, le Grand Conseil créait une situation exactement équivalente au refus du Peuple vaudois, et c’est ce qu’ont admis, au moins implicitement, la plupart des membres du Comité référendaire. Ceux qui seraient fondés à se plaindre, ce sont les citoyens qui auraient voulu voter oui. Quant aux référendaires, tout ce qu’ils peuvent regretter, c’est de se contenter d’une victoire certaine au lieu d’un triomphe possible.

L’affaire ne s’arrête pas là. L’autorité qui, avertie par le succès éclatant d’une demande de référendum, préviendrait un refus souverain par le retrait de sa décision, et la remplacerait aussitôt par une autre qui n’en différerait pas essentiellement, commettrait un abus de droit qui pourrait être attaqué judiciairement. Or, force est de constater que le décret du 27 novembre 2012 apporte au premier projet des modifications substantielles allant dans le sens des vœux des référendaires. Il est vrai que ceux-ci ne sont pas unanimement enchantés; l’un d’eux a exprimé son avis en disant que l’on avait réussi à passer de l’affreux au moche. Mais enfin, là encore, le Grand Conseil a fait un usage légitime de sa liberté, et le moyen régulier de contester sa décision est d’y opposer une nouvelle demande de référendum. Un autre moyen serait une initiative qui pourrait éventuellement prescrire certaines dispositions architecturales. Qui voudra s’y lancer?

Mais il n’y a pas que le toit; le projet prévoit aussi trois entrées au futur édifice. La première, dite entrée d’apparat, est celle qui, sous le fronton de Perregaux, s’ouvre sur l’esplanade du Château, et dont le seuil ne devrait être franchi qu’avec la gravité d’un pas de sénateur; de l’autre côté, donnant sur la placette André Bonnard, l’entrée ludique, que les députés pourraient emprunter en batifolant et se tapant sur l’épaule, en revenant de la pause de midi. Et pour les simples mortels, les concepteurs du projet ont inventé une entrée citoyenne; celle-ci serait une espèce de traboule qui éventrerait la rue Cité-Devant, et serait dotée d’un portail mêlant le verre et le fer, un de ces «marquages d’époque» témoin de notre décadence. Mais cela ne serait rien si ce n’était qu’une idée ridicule; malheureusement, elle ne peut se réaliser sans le sacrifice d’une des plus belles caves du pays, qui fut atelier monétaire pendant le demi-siècle où le Canton de Vaud battait monnaie, et devint plus tard la buvette du Grand Conseil. La destruction de cette voûte magnifique serait un pur acte de vandalisme. Le Conseil d’État a eu la correction d’offrir trois places au Comité référendaire dans la Commission de suivi des travaux: est-il encore temps d’y exercer une influence salutaire? C’est ce que doivent souhaiter tous les vaudois amoureux de leur patrimoine.

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