Dans le tunnel, L’Hebdo voit clair

Depuis que Mix&Remix a quitté L’Hebdo, on n’a – heureusement! – plus aucun motif ne serait-ce que d’entrouvrir cet encombrant débarras de vieilles lunes édité à la gloire de son rédacteur en chef. Sauf peut-être quand un titre attire notre attention sur ce qui semble être un nouveau record mondial de vanité indigente et de manipulation intellectuelle.

C’est donc un long soupir consterné que nous avons poussé en parcourant, dans l’édition du 4 avril, un article du dénommé Patrick Nordmann intitulé «La fin du mystère du tunnel de Sierre?» Comprenez que le point d’interrogation n’est là que par pure coquetterie, le journaliste-justicier-spécialiste-de-tout considérant son «hypothèse» comme démontrée. En résumé, le chauffeur du bus accidenté à cet endroit il y a une année aurait foncé dans la place d’évitement du tunnel parce que, du fait d’une ligne blanche discontinue, il croyait qu’il s’agissait d’une voie réservée aux véhicules lents; le regard fixé sur le marquage au sol, il n’aurait pas vu le mur à vingt mètres devant lui.

L’exhaustivité dans la cuistrerie est admirable: sollicitation partiale des faits, matraquage de vocabulaire suggestif, douloureuse incompréhension face aux pseudo-particularités helvétiques, appel à une avocate, accusations de négligence et de dissimulation de la part des autorités, appel explicite à une mise en cause judiciaire de la Suisse par la Belgique. Et cette conclusion en trémolos: «Mais il est d’ores et déjà certain que, quoi qu’il arrive, on ne pourra pas faire l’économie d’une harmonisation parfaite des règles de circulation avec le reste de l’Europe.»

Chaque phrase de l’article – inattaquable puisqu’il s’agit d’un sujet fortement émotionnel – s’affranchit peu ou prou de l’honnêteté ou de l’intelligence; on renoncera à en faire ici l’exégèse. On relèvera seulement que, curieusement, le journaliste a omis un argument qui aurait pourtant pu rendre son hypothèse vaguement plausible: il est en effet matériellement possible, car la presse romande l’a démontré, d’être à ce point obnubilé par des repères douteux qu’on en est incapable de voir qu’on va dans le mur.