Causeur

Lui président de la République, nos voisins français entrent, sous la molle et hasardeuse férule de François Hollande, dans un processus de liquéfaction qui produit tout de même un effet positif: les Français se voient contraints de réagir, de se forger des armes intellectuelles et morales afin d’éviter la déliquescence. Les manifestations d’opposants au «mariage pour tous» donnent le branle. Depuis un certain temps déjà, la «blogosphère» scintille de sites irrespectueux vis-à-vis du pouvoir, par exemple Causeur.fr, sans doute connu de nos lecteurs.

En général, les publications écrites s’offrent un complément sur internet. Causeur.fr a fait l’inverse, il se décline désormais sous forme de mensuel papier dont le premier numéro est apparu dans les kiosques le 4 avril, y compris à Lausanne.

Causeur suscite notre curiosité et notre approbation. La presse française «de droite» s’enrichit d’un titre non négligeable. Aux côtés la vieille garde, Présent, Rivarol, Catholica, l’Action française (journal qui demeure, politiquement parlant, le plus judicieux), aux côtés d’Éléments (revue quadragénaire de l’ex-Nouvelle Droite), de Valeurs actuelles et de son luxueux pendant mensuel, le Spectacle du Monde, sans oublier la Nouvelle Revue d’Histoire et l’Atelier du Roman, Causeur se distingue par son humour. Élisabeth Lévy en est la rédactrice en chef. Non contente de bien écrire, elle est aussi une «marrante», ce qui ne gâche rien. Les Romands ont pu lire certains de ses papiers dans le Matin Dimanche. Elle était l’amie de Philippe Muray avec lequel elle a réalisé un remarquable livre d’entretiens.

Dans les colonnes du magazine, on retrouve la signature d’Alain Finkielkraut, réputé pour son honnêteté intellectuelle. La revue a un petit côté… sioniste. Comme Israël est la dernière nation à oser s’affirmer comme telle, il est juste, en fin de compte, que son aura rejaillisse sur celles qui essaient de survivre à la mondialisation… Toutefois, l’un des principaux rédacteurs de Causeur s’appelle Daoud Boughezala. Même au sein d’une droite «décomplexée», la «diversité» donne de la voix.

Le nouveau mensuel comprend toutes les rubriques attendues dans ce genre de publication. La partie culturelle est dirigée par l’excellent Jérôme Leroy, dont il a été plusieurs fois question dans La Nation.

Les plumes connues affluent en nombre pour soutenir la sortie du premier numéro, notamment celle de Pascal Bruckner, dont l’article sur la collusion entre racaille et bourgeoisie postmoderne impressionne. On peut lire aussi une interview du philosophe Marcel Gauchet à propos du thème central, le «nouveau désordre moral».

Surprise: notre compatriote Roland Jaccard, dont nous nous moquions autrefois dans La Nation, a pris du service dans Causeur. L’âge l’a bonifié, il a provisoirement renoncé… à se suicider! Autre surprise: un article d’Antoine Menusier sur l’initiative Minder.

A noter la surprenante rubrique «Viens l’dire ici si t’es un homme!» où la revue laisse parler ses ennemis, en l’occurrence Laurent Joffrin, rédacteur en chef du Nouvel Observateur, ainsi que Ruwen Ogien, philosophe gauchiste ultralibéral, promoteur de l’aberrante «éthique minimale».

Comme dans Valeurs actuelles, Basile de Koch signe une chronique comique plutôt relevée.

Le numéro s’achève par quelques considérations de François Taillandier, écrivain français très au-dessus de la moyenne.

Le parrain de Causeur n’est autre que Milan Kundera.

Lisez ce magazine, vous passerez un agréable moment réactionnaire à la française!