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Le Vin herbé de Frank Martin

Frédéric Monnier
La Nation n° 1967 17 mai 2013

Si le compositeur genevois Frank Martin (1890-1974) était décédé aussi prématurément qu’un Mozart ou un Schubert, il est fort probable qu’il n’aurait eu droit qu’à une brève notice dans un dictionnaire spécialisé. C’est en effet à l’approche de la cinquantaine, à la fin des années trente, que Martin compose ce qu’il considérait lui-même comme le premier témoignage de sa maturité créatrice et de son style personnel: le Vin herbé. Suivront alors une série de chefs-d’œuvre (Der Cornet, Golgotha, Monologues de Jedermann, la Petite symphonie concertante, etc.) qui feront de lui une des figures majeures de la composition musicale au XXe siècle.

Le Vin herbé est un oratorio profane en trois parties qui met en musique d’importants fragments du Roman de Tristan et Yseut de Joseph Bédier. L’œuvre est écrite pour une petite formation: douze chanteurs et huit instruments (violons, altos et violoncelles par deux, plus une contrebasse et un piano). Elle fut composée en deux étapes: pour répondre à une commande du Madrigalchor de Zurich, Martin écrivit d’abord le Philtre au cours la première moitié de 1938, créé en avril 1940 à Zurich, et dont la durée n’excédait pas trente minutes. Toutefois, Martin souhaitait embrasser la totalité de la tragique histoire des deux amants, il décida donc de compléter l’œuvre de manière à ce qu’elle puisse remplir une soirée entière. La Forêt du Morois et la Mort, encadrés d’un Prologue et d’un Épilogue, furent composés en 1941, l’ensemble étant créé l’année suivante, toujours à Zurich.

Malgré la modicité des moyens musicaux mis en œuvre (on songe ici à l’Histoire du Soldat de Stravinski et Ramuz), Martin utilise les instruments avec un grand raffinement de timbre et d’harmonies; quant au chœur, il expose l’essentiel du récit en homophonie, voire à l’unisson. Des solistes s’en détachent fréquemment pour incarner l’un ou l’autre des personnages de l’histoire.

Pour le musicographe Harry Halbreich, les «nuances expressives, tant mélodiques qu’harmoniques [de l’œuvre], sont circonscrites dans les limites des gris et des camaïeux, à la manière de quelque admirable et subtile tapisserie médiévale […]. Ainsi, ce chef-d’œuvre se situe-t-il délibérément aux antipodes du Tristan de Wagner […] et s’inscrit au contraire dans la lignée de Pelléas [de Debussy], mais de manière beaucoup plus radicale quant au dépouillement des moyens et à l’intériorité de l’expression.»

On doit savoir gré au quatuor Sine Nomine qui, dans le cadre des nombreux concerts qu’il a déjà donnés ou donnera encore jusqu’en juillet à l’occasion de son 30e anniversaire, interprétera ce Vin herbé en compagnie d’amis musiciens le mercredi 29 mai prochain à 20h00 à l’Opéra de Lausanne. Malgré le lieu, l’œuvre sera donnée en version de concert, ce qui correspond du reste au vœu du compositeur, qui n’avait pas prévu de réalisation scénique au départ.

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