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Excédent excessif

Cédric Cossy
La Nation n° 1967 17 mai 2013

Accompagnés d’un message parlant «d’excédent de revenu conforme à la prévision budgétaire», les comptes 2012 de l’État de Vaud ont été présentés le 15 avril dernier par un Pascal Broulis partagé entre la fierté de comptes bénéficiaires pour la huitième année consécutive et l’inquiétude de la mère poule cachant son opulente couvée aux regards des prédateurs de tous bords.

Les revenus augmentent de 4,4% à 8,1 milliards relativement à l’année précédente. C’est 8,6% de plus que le budget, ce qui donne raison à la fois à l’ancien membre de la commission des finances Jean-Michel Favez1 et à nousmême2: dans le budget 2012 plus que jamais, les recettes fiscales (+10,4% relativement au budget) ont été massivement sous-évaluées. Pour 2013, on sait déjà qu’il en est de même…

Les charges font un bond de 8,7% pour s’équilibrer avec les recettes. L’augmentation est pour moitié imputable à la création d’une réserve de 575 millions destinée à la recapitalisation de la Caisse de pension de l’État de Vaud. La décision concernant l’assainissement de la CPEV datant de mars 2013, l’État se permet ici une manœuvre pour laquelle il poursuivrait une entreprise privée pour soustraction fiscale, à savoir inscrire sur l’exercice 2012 des dépenses décidées en 2013 pour réduire artificiellement son bénéfice. Cette réserve n’était d’autre part pas inscrite au budget: parler d’un bénéfice «conforme à la prévision budgétaire» est une tromperie grosse d’un demi-milliard.

Hors écritures de bouclement, les charges de fonctionnement sont en hausse de 4,5%, dépassant le budget de 1,6%. L’État n’a jamais autant dépensé dans le secteur santé-social (+ 196 millions) et la formation (+ 53 millions). Pour le premier de ces postes, cette augmentation contredit l’excellente situation conjoncturelle dans le Canton, celle-ci ayant amené, aux dires des comptables de l’État, un excédent d’environ 200 millions par rapport au budget. Si l’État social boulotte les excédents de recettes lorsque tout va pour le mieux, le déficit structurel est programmé au prochain revers conjoncturel.

La part nette du Canton aux investissements atteint 258 millions, soit 14% de moins qu’au budget. On doit à nouveau3 regretter l’incapacité chronique à tenir les délais concernant les projets d’infrastructure. Ce n’est pas comme ceci que le Canton pourra prétendre accueillir un million d’habitants d’ici 2040.

La dette nette, enfin, est réduite de 645 millions pour s’établir à 785 millions. C’est le niveau d’endettement le plus bas des vingt dernières années, résultat de la politique de fourmi de M. Broulis. On atteint toutefois un niveau de disparité indécent en comparaison des communes vaudoises. Priées depuis les années nonante de prendre certaines prestations publiques à leur charge, celles-ci n’ont pas eu la chance de pouvoir diminuer leurs dettes au cours des dernières années: le cumul reste stable aux alentours de 4,8 milliards depuis dix ans4. Ce constat agace nombre d’exécutifs communaux, persuadés que la baisse de la dette vaudoise s’est faite sur le dos de leurs finances. Il n’aura ainsi fallu qu’une semaine après la publication des comptes pour que les communes et leurs représentants au Grand Conseil demandent leur part du gâteau, priant le Canton de reprendre à sa charge l’intégralité des coûts pour les soins à domicile5.

La fourmi Broulis ne pourra plus cacher ses réserves bien longtemps. Après les revendications des communes, la gauche – qui est tout de même majoritaire au pouvoir – attaquera d’une liste de projets sociaux généreux et électoralement porteurs; la droite devrait logiquement y opposer une demande de réductions d’impôts. Pour notre part, nous trouverions opportun et élégant que le Canton récupère certaines charges, sans compensation de points d’impôts, transférées autrefois aux communes. Libre ensuite à elles de reporter ces économies sur leur coefficient fiscal ou d’utiliser les montants libérés pour réduire leur dette. Nous espérons ensuite que l’État se montre à la hauteur de sa politique d’investissement, en particulier pour ce qui touche les infrastructures nécessaires au développement du Pays.

Notes:

1 24 heures du 23 janvier 2013.

2 La Nation n° 1951 du 5 octobre 2012.

3 La Nation n° 1923 du 9 septembre 2011.

4 Lausanne abrite 18% de la population vaudoise mais supporte à elle seule près de la moitié des dettes communales.

5 Le Temps du 24 avril 2013.

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