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Les LUP sous la loupe

Olivier Klunge
La Nation n° 1997 11 juillet 2014

L’état actuel du marché du logement dans notre Canton est devenu un problème politique. La pénurie de logements libres existe depuis de nombreuses années et s’est étendue, à des degrés divers, à l’ensemble du territoire. L’augmentation du prix des terrains durant vingt années, un droit du bail rigide et des taux d’intérêts historiquement bas ont favorisé la construction de logements en PPE au détriment des immeubles destinés à la location.

Une part importante de la population vaudoise peine à trouver un logement dans certaines régions (en particulier les centres urbains, la Côte et la Riviera). Des villages ne parviennent plus à offrir de logement à leurs jeunes quittant le cocon familial ou désirant retourner au pays; seuls les pendulaires tournés vers Genève ou Lausanne et sans attaches locales ont les moyens de s’offrir les logements sur le marché.

Prétendant pallier cette situation insatisfaisante, l’ASLOCA Vaud a fait aboutir une initiative populaire «Stop à la pénurie de logements» prévoyant l’obligation pour les communes de construire elles-mêmes des logements.

En réponse à ces vues très étatistes, le Conseil d’Etat propose un contreprojet visant à renforcer la Loi sur la protection du parc locatif, à introduire un droit de préemption général en faveur des communes1 et à favoriser les logements d’utilité publique (abrégés «LUP»). Si les deux premières mesures sont néfastes, constituant des restrictions brutales de la propriété privée par des mesures lourdes en procédures administratives et laissant augurer une efficacité douteuse, la troisième mesure nous semble plus intéressante.

Les logements d’utilité publique sont constitués des logements subventionnés, des appartements protégés (destinés à des personnes âgées ayant besoin de soins) et des logements pour étudiants, ainsi qu’une nouvelle catégorie légale, les logements à loyer abordable (abrégés «LLA»).

Ces logements à loyers abordables ne sont pas subventionnés, mais bénéficieraient de bonus de constructibilité, déjà dans toutes les zones constructibles actuelles. Cela signifie que là où un propriétaire a le droit de construire un immeuble de 1’000 m2 habitable, il pourra en construire un de 1’100 m2 s’il est consacré à des LLA.

Les communes se verraient également conférer la possibilité d’introduire un quota de logements d’utilité publique dans les nouveaux plans d’affectation. Si cette mesure constitue une restriction de la propriété foncière, elle nous semble acceptable puisqu’elle défend un intérêt public légitime et qu’elle est de compétence communale, échelon approprié pour de telles décisions d’espèce. Cette mesure devra être utilisée de manière mesurée et ne pas correspondre à une expropriation de droits à bâtir existants ou à une discrimination.

Notre appréciation est plus contrastée s’agissant de la définition des logements à loyer abordable. S’il est heureux qu’ils puissent être construits tant par des autorités publiques que par des privés, nous contestons la pertinence de la compétence que le projet donne au Conseil d’Etat de définir les «critères techniques, tels que la surface, les volumes, la typologie et l’équipement.» Est-ce à l’Etat de décider si des appartements doivent être équipés de lave-vaisselle, de baignoire ou d’une collection complète des Cahiers de la Renaissance Vaudoise? Pourquoi ne pas un jour exiger une seule cuisine pour plusieurs familles afin de favoriser les économies d’énergie et les interactions sociales? Aujourd’hui, le Conseil d’Etat parle uniquement de limiter la taille maximale des LLA, mais ce n’est là qu’une promesse de campagne…

Le projet de loi prévoit enfin que ces LLA respectent «les limites de coûts et de loyers ou de rendement» fixés par le Conseil d’Etat. Ce dernier prévoyant actuellement de se baser sur un rendement maximum autorisé.

S’il est légitime que l’Etat impose un certain contrôle sur les loyers pratiqués, puisque c’est le fondement même de la définition de logements à loyer abordable, la limitation du rendement du bien est une notion qui y est largement étrangère. En effet, le propriétaire, public par hypothèse, qui acquiert un terrain à un prix surfait, puis le construit de manière médiocre et contrôle mal ses coûts, même sans réaliser aucun rendement, ne pourra qu’offrir des loyers au-dessus du marché… Se concentrer sur le rendement admissible et non sur l’importance des loyers dénote des préventions contre les propriétaires immobiliers et vise plus à sévir contre ces derniers qu’à aider les locataires.

Il eut été plus logique de fixer une quotité du loyer maximale par rapport aux loyers de la région concernée, afin d’assurer que les locataires de ces logements paient effectivement un loyer, par exemple de 15 à 20%, inférieur à ceux du marché libre.

En conclusion, nous reconnaissons à l’Etat le droit d’influencer l’aménagement du territoire, y compris pour favoriser des logements destinés à la population locale et pérenniser la vie des villages. Nous estimons qu’il doit, pour ce faire, favoriser les mesures incitatives, qui respectent la propriété privée et se révèlent souvent très efficaces. Nous nous opposons par contre fermement à voir l’Etat se substituer aux professionnels et aux citoyens pour décider du mode de vie des habitants de ce Canton.

Notes:

1 L’idée d’un droit d’emption évoqué initialement a d’ores et déjà été abandonnée.

 

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