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La démocratie montre les crocs

Jacques Perrin
La Nation n° 2013 6 mars 2015

Dès qu’une nation démocratique menace de s’effondrer sous les coups d’un ennemi, elle recourt à des «hommes providentiels» fort peu démocrates.

Face aux Perses, Athènes fit appel à Thémistocle, chef de guerre issu du parti populaire, certes, mais aux manières et à l’ambition aristocratiques.

En 1917, la France repêcha Clemenceau, révolutionnaire cohérent («la Révolution est un bloc»), prêt à utiliser la force pour défendre la République en danger, sans état d’âme («je fais la guerre»), et qui avait prouvé sa détermination en réprimant le soulèvement des vignerons du Midi de 1907.

En 1940, ce fut le tour de Charles de Gaulle, général de brigade imprégné de maurrassisme. De leur côté, les Anglais confiaient leur salut à l’aristocrate Winston Churchill, plus attaché à la monarchie qu’aux partis.

Quand la démocratie montre les crocs et que les chiens de garde s’appellent François Hollande, Christiane Taubira et Najat Vallaud-Belkacem, elle a du souci à se faire.

Les vrais démocrates, autrement dit les adeptes de «Charlie», ont de l’aversion pour l’armée, la police, les tribunaux et l’école du moment que ces institutions exercent une force quelconque. Ils ne les tolèrent que si elles offrent aux électeurs un visage «sympa». Aussi les politiciens n’inspirent- ils guère confiance quand ils annoncent des revirements martiaux à grands roulements de tambour.

Le socialisme ne marche pas: on le saupoudre de libéralisme en plaçant un Emmanuel Macron à la tête de l’économie. Les djihadistes attaquent: il faut renoncer à démanteler l’armée française. Les terroristes viennent de banlieues où l’école est malmenée: les professeurs sont priés de montrer leurs muscles.

Depuis que Jacques Chirac a aboli le service militaire obligatoire, les gouvernements successifs ont affaibli l’armée, car aux yeux des démocrates, loin de protéger la nation durant les guerres, l’institution militaire engendre celles-ci pour démontrer son utilité!

Cependant, à cause de trois terroristes et de dix-sept morts, on se dit qu’on a choisi la mauvaise voie.

François Hollande restreint donc les effets de la loi de programmation militaire qui prévoit de supprimer 34 000 emplois d’ici 2019. Il en sauve 7500. Compte tenu des relèves et des permissions, l’armée française, engagée au Sahel et en Irak (9500 hommes) ainsi que dans le plan Vigipirate (10 000 hommes), ne tiendra pas quinze jours. Le coût de ce «moindre dégraissage » (dixit le Figaro du 22 janvier) ne peut être absorbé. Plusieurs millions d’euros manquent. De plus, le gouvernement ne peut se permettre de laisser filer ses dépenses car la France est actuellement dans le viseur de la Commission européenne.

Dans le domaine relevant du ministère de l’Intérieur, 2680 emplois supplémentaires sont prévus pour lutter contre le terrorisme. On en accorde 950 à la Justice. En revanche, on ne touchera pas à la loi qui aligne le régime de réductions de peine des multirécidivistes sur celui des non-récidivistes. Or les terroristes étaient des multirécidivistes, mais comme Mme Taubira, ministre de la Justice, est une icône du charlisme, les lois qu’elle inspire sont sacrées.

Le premier résultat du «renforcement des effectifs» est de faire comparaître un enfant niçois de huit ans pour «apologie du terrorisme».

Un dénommé Durpaire, maître de conférences en sciences de l’éducation, écrit dans Le Monde du 23 janvier que le million d’enseignants français constitue potentiellement un million de soldats de la tolérance.

François Hollande, de son côté, plaide pour le retour de l’autorité à l’école: Tout comportement mettant en cause les valeurs de la République ou l’autorité fera l’objet d’un signalement au chef d’établissement; il faut désormais faire régner le respect et la politesse, et d’abord à l’égard du maître. Le 9 décembre est décrété journée de la laïcité ; un kit du professeur laïc est mis à disposition; une réserve citoyenne constituée de journalistes, d’avocats et d’acteurs culturels interviendra en appui des professeurs. Mme Vallaud-Belkacem, ministre de l’Education, constate qu’il n’y a pas d’accès à la culture, au jugement, si on ne maîtrise pas la langue française, qu’il faut donc en faire encore plus pour en améliorer l’acquisition ; les élèves devront faire la différence entre ce qui est de l’information et ce qui n’en est pas ; on renforcera les conseils d’enfants, de la vie collégienne et lycéenne ; mille formateurs à la laïcité sont prévus.

Et le ministre d’ajouter sur un ton belliqueux: Au «ne pas faire de vagues» souvent bien intentionné (il ne faut pas désespérer la piétaille socialiste, réd.) devra succéder le «ne pas laisser passer».

Ces derniers temps, il était à nouveau question de supprimer les notes dans l’école française. Le président Hollande déclare alors: L’école doit évaluer, l’école doit continuer à noter […] mais ne doit pas blesser, écarter.

Que les enseignants se débrouillent avec des principes si lumineux!

Pour ne rien oublier, il s’agira aussi de promouvoir la mixité sociale, autrement dit d’en finir avec les cités ethniquement marquées, les quartiers dits «populaires».

L’armée française déclinait; on n’avait rien prévu contre les terroristes de l’intérieur. On enseigne mal le français à l’école; l’autorité, la vérité et la discipline n’y ont plus cours; la «politique de la ville» a échoué. Le libéral-socialisme, en vogue à Bruxelles et Paris, a tué la souveraineté de la France et lui a ôté les moyens de se défendre. Ce n’est pas grave, Charlie Hollande prend l’affaire en main.

La démocratie est fondée sur la magie des mots. Il suffit de prononcer des phrases bien senties en se donnant tous la main pour ressusciter, comme par un claquement de doigts, l’héritage séculaire que le régime a mis cinquante ans à dilapider.

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