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Anne Cuneo - la littérature romande en deuil

Charlotte Monnier
La Nation n° 2013 6 mars 2015

C’est à l’âge de septante-huit ans qu’Anne Cuneo s’en est allée, le 11 février dernier. Elle laisse derrière elle un grand vide au milieu du paysage de la littérature romande. Mais plutôt que d’y voir un vide, nous choisirons d’y voir une trace, l’un de ces souvenirs dont seule la littérature et son immortalité détiennent la clé. D’origine italienne, Anne Cuneo fit dès son plus jeune âge de la Suisse et du paysage romand, sa nouvelle patrie. Toutefois, son vécu à la fois d’immigrée et de femme moderne n’a pas cessé de nourrir son œuvre aussi foisonnante qu’éclectique.

Anne Cuneo fut d’abord éditée de 1972 à 1989 par l’éditeur vaudois Bertil Galland, qui fut aussi directeur des Cahiers de la Renaissance Vaudoise pendant plus de dix ans. C’est l’occasion de lire ou relire le chapitre que ce dernier lui consacre dans Une aventure appelée littérature romande, parue l’hiver dernier aux éditions Slatkine1. Anne Cuneo bénéficie d’une grande admiration de la part de l’éditeur vaudois qui la rencontra pour la première fois en 1969, à l’issue de l’enregistrement d’une émission de radio consacrée à son roman Gravé au diamant2. A cette occasion, il se souvient parfaitement de lui avoir très directement dit: «Vous avez mis en ces pages, Anne Cuneo, un tel concentré de vous-même, que je me demande si, après ce livre-là, vous pourrez jamais écrire autre chose.»3 Il n’en fallut pas plus pour que l’écrivaine envoie, deux ans plus tard, la preuve irrévocable de son erreur à celui qui allait devenir son éditeur attitré pour les dix-sept années à venir. L’ouvrage qu’elle lui envoya était Mortelle maladie, récit poignant d’une femme victime de la fausse-couche d’un enfant qu’elle «ne voulait pas mais qu’elle avait fini par désirer si fort». Le pays de la littérature vaudoise voit donc éclore en 1972 une longue collaboration ainsi qu’une sincère amitié. Poussière du réveil, Piano du pauvre, Une cuillérée de bleu ou encore Station Victoria sont autant d’ouvrages que l’on a vu apparaître dans le catalogue des éditions Bertil Galland.

En 1989, c’est Bernard Campiche qui reprend la publication des ouvrages d’Anne Cuneo. Commence alors pour elle la rédaction d’une trilogie historique monumentale. En effet, si la première phase de son œuvre était d’inspiration principalement existentielle et autobiographique, la seconde se tourne davantage vers l’histoire. Passionnée depuis toujours par le livre en tant qu’objet, elle rédige notamment l’un de ses bestsellers – deuxième volume de sa trilogie historique après Le Trajet d’une rivière mais avant Un monde de mots – Le Maître de Garamond. Elle y raconte avec brio le destin du personnage à l’origine de la très fameuse typographie éponyme, employée par la célèbre collection La Pléiade.

Poésie, roman, scénario, théâtre et même drame radiophonique, la diversité des genres et l’extrême dextérité de l’écrivaine dans chacun d’eux est immense. «La fille de l’ingénieur Albert Cuneo se pique de tout maîtriser.» Ainsi Bertil Galland résume-t-il l’infinie créativité littéraire de celle à qui le Pays doit certaines de ses plus belles pages.

Notes:

1 Bertil Galland, Une aventure appelée littérature romande, suivi de Princes des marges, Destins d’écrivains, Genève, éditions Slatkine, 2014.

2 Anne Cuneo, Gravé au diamant, Orbe, CamPoche – Bernard Campiche éditeur, 2011.

3 Op. cit., p. 358.

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