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Pour des commissions d’enquête parlementaire communales

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La Nation n° 2077 18 août 2017

Sur le plan fédéral, une commission d’enquête parlementaire (CEP) est instituée pour faire la lumière sur des événements d’une grande portée: affaire Kopp, affaire des Mirages, affaire des fiches, etc. La CEP s’inscrit dans les tâches de haute surveillance exercées selon la Constitution par l’Assemblée fédérale sur les organes fédéraux. Le Canton de Vaud connaît également la CEP. Elle avait par exemple été utilisée dans l’affaire de la BCV. Notre Canton ne connaît toutefois pas l’enquête parlementaire communale. Les dysfonctionnements récents survenus à Aigle1 et Epalinges2 montrent pourtant l’importance de pouvoir exercer une surveillance au niveau communal également.

Dans un arrêt du 8 octobre 2008 (arrêt CCST.2008.0003), la Cour constitutionnelle du Tribunal cantonal a admis une requête de la Municipalité? de Lausanne et annule? une disposition du règlement du conseil communal prévoyant la possibilité? de constituer des commissions d’enquête. Elle a considère? l’instauration de telles commissions comme contraire a? la séparation des pouvoirs. Faute de base constitutionnelle ou légale cantonale plus large, le conseil communal ne peut intervenir de manière investigatrice dans les affaires relevant de la compétence de la Municipalité.

La commission de gestion n’a pas le droit d’investiguer d’une manière aussi étendue que les commissions de surveillance du Grand Conseil. Ses compétences sont peu étendues et ses conclusions ne sont pas contraignantes. Elle n’a pas non plus la possibilité de mandater un cabinet d’audit indépendant pour identifier l’origine et les responsables de dysfonctionnements. Notre Canton est donc restrictif en ce qui concerne les compétences données aux conseillers communaux (ou généraux) pour veiller à la bonne gestion de leur commune.

Actuellement, la seule possibilité d’agir est de recourir au Préfet. Cette insuffisance est clairement une lacune de la loi vaudoise sur les communes (LC). Il conviendrait donc de modifier la LC pour permettre des CEP communales en s’inspirant des pratiques existantes au niveau fédéral et dans d’autres cantons. Dans le canton de Zurich, il est possible de faire une enquête préliminaire, puis ensuite de procéder a? une enquête de fond. Dans le canton de Lucerne, on doit demander des informations via une interpellation, puis créer la CEP avec une motion.

Il ne s’agirait évidemment pas de contraindre les communes vaudoises de prévoir la CEP. La LC devrait au moins permettre aux communes qui le souhaitent de se doter d’une CEP sur une base volontaire. Mme Cesla Amarelle a déposé une motion au Grand Conseil en 2008 (motion 08_MOT_038) allant dans ce sens. Dans sa réponse, le Grand Conseil a estimé que l’autorité de surveillance des communes est en premier lieu une prérogative du Canton, et que la commune ne peut être pourvue que de manière limitée d’un pouvoir d’auto-surveillance. Au contraire, doter les communes d’une autorité de surveillance aux pouvoirs élargis confirmerait l’autonomie dont elles sont censées être les bénéficiaires. Elles régleraient certains problèmes à leur niveau, sans devoir faire appel à la lourde administration cantonale. Dans cette motion, Mme Amarelle avançait par ailleurs un argument avec lequel on peut (pour une fois) être d’accord: «L’enquête parlementaire est un moyen de recréer l’unité politique en période de crise institutionnelle.» Les constitutionnalistes parlent d’un «effet intégrateur de l’enquête.»3

Le Tribunal fédéral (TF) a ordonné le 17 juillet 2017 (arrêt 1C_155/2017) à la commune de Steinhausen (ZG) de donner accès à l’ensemble des procès-verbaux de l’exécutif communal. Cette jurisprudence devrait dorénavant fixer un cadre clair pour l’ensemble des exécutifs communaux suisses. Elle stipule que c’est l’ensemble de la documentation des actions d’un exécutif qui doit être disponible, et plus seulement des documents de manière isolée. Cette transparence imposée par le haut n’est pas idéale, mais elle a le mérite d’élargir indirectement la surveillance sur nos exécutifs communaux. Une CEP communale pourrait permettre d’établir cette transparence par le bas en respectant l’autonomie communale et sans attendre des décisions contraignantes du TF.

Dans les communes, la représentation des intérêts passe avant tout par le Conseil communal. Sa proximité avec le tissu socio-économique ou associatif local est plus grande qu’au niveau cantonal. L’hétérogénéité culturelle grandissante de nos villages contribue à augmenter les soupçons de copinage et d’autres manœuvres intéressées à propos des anciens habitants, souvent membres des municipalités. A ce titre, donner aux législatifs communaux la possibilité de se doter d’un pouvoir de surveillance contraignant n’a rien d’extravagant. Socle du pouvoir communal et adapté aux circonstances locales, l’autonomie communale en sortirait renforcée. Il en irait de la confiance envers le niveau politique le plus proche des citoyens.

Notes:

1  Dans son édition du 3 juillet, 24 heures nous apprend que la Municipalité d’Aigle a décidé d’interrompre pour quatre mois le mandat du municipal de la Police. Celui-ci est visé par une enquête pénale pour infractions économiques.

2  Dans son édition du 29 juin, Le Régional nous apprend que l’administration communale d’Epalinges connaît des dysfonctionnements récurrents, notamment au niveau de la gestion du personnel. La Commission de gestion et l’UDC, appuyée par le PLR, réclament un audit indépendant. Malgré cela, il est manifestement impossible pour un conseil communal d’imposer un audit ou une enquête parlementaire à une municipalité qui gouverne mal mais se défend bien.

3  Cf. E. Baruh: «Les commissions d’enquête parlementaires. Cadre juridique d’une procédure politique». In: Etude de droit suisse fédéral et cantonal, Lausanne 2007.

 

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