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Eviter un futur conflit de générations

Cédric Cossy
La Nation n° 1882 12 février 2010
Est-il opportun de réduire de 6,8 à 6,4% le taux de conversion minimal applicable par les caisses de pension? C’est à cette question très technique que peuple et cantons suisses sont appelés à répondre le 7 mars prochain. Mais de quoi parle-t-on exactement?

A l’âge de la retraite, un travailleur a accumulé, de par ses cotisations et celles de son employeur, un avoir vieillesse destiné à financer ses rentes de retraité. Ce capital s’est en principe bonifié et continuera de fructifier grâce aux intérêts des placements faits par la caisse de prévoyance. Le taux de conversion représente la portion minimale de l’avoir vieillesse que la caisse doit verser annuellement comme rente de retraite.

La durée de vie de la population augmentant et les rendements des placements de capitaux étant en baisse, une première réduction des taux de conversion a été décidée en 2003 par les Chambres fédérales. De 7,2% alors, le taux prévu par la LPP est en cours de réduction progressive pour atteindre 6,8% en 2014. Nous en sommes aujourd’hui à 7% pour les hommes et 6,95% pour les femmes.

Les prévisions tant démographiques que conjoncturelles du début de la décennie se sont révélées erronées. L’espérance de vie, d’une part, s’allonge plus rapidement que prévu: en 2000, on prévoyait un âge moyen de 83,7 ans pour les hommes et 88,0 ans pour les femmes qui fêteront 65 ans en 2015, alors que l’on mise aujourd’hui sur respectivement 85,4 et 88,1 ans. Les placements des avoirs des caisses, d’autre part, ont fortement diminué ces dernières années. Il y a donc à terme un problème de financement des retraites: si rien n’est entrepris, les futurs retraités disposeront d’un capital vieillesse statistiquement insuffisant pour payer l’intégralité de leurs rentes.

Quatre réponses peuvent être apportées pour assurer l’équilibre financier des caisses de pension. Premièrement, on peut prier pour que les placements des caisses rapportent plus de 4,9% d’intérêts l’an, une fois leurs frais de fonctionnement déduits. C’est peu plausible dans la conjoncture actuelle, mais on peut toujours rêver pour 2015 et ensuite… Deuxièmement, on peut retarder l’âge de la retraite, chacun cotisant plus longtemps et encaissant moins longtemps. L’accueil fait à l’idée de Monsieur Couchepin d’une retraite à 67 ans montre que les Suisses ne sont pas prêts à aller dans ce sens. Troisièmement, on peut choisir la fuite en avant: augmenter les cotisations des salariés et de leurs employeurs pour payer les rentes de ceux qui sont déjà à la retraite. L’espérance de vie augmentant, le poids de ces cotisations risque de devenir écrasant pour les générations futures. Enfin et quatrièmement, on peut réduire le taux de conversion, afin de répartir le versement du capital vieillesse sur une plus longue période.

Les Chambres fédérales ont opté pour un mélange des deux dernières options pour adapter à nouveau la LPP à fin 2008: les modifications prévoient une légère augmentation du taux de prélèvement sur les salaires coordonnés des actifs, mais surtout une réduction progressive du taux de conversion à 6,4% d’ici 2016. Le référendum des associations syndicales et de la gauche contre cette réduction a abouti, raison de la votation du 7 mars.

Dans les débats sur la question, les experts se jettent des chiffres à la tête, qui sur l’espérance de vie, qui sur les rendements des placements, qui sur l’augmentation de la population active pour justifier le taux idéal de 6,4 ou 6,8% au-delà de 2015. Si la réalité se situera vraisemblablement entre deux, il n’en reste pas moins vrai que la population vieillit. Dans cette perspective, il nous semble préférable de réduire le train de vie des retraités plutôt que de faire payer ce train de vie par les actifs. Même réduit à 6,4%, le taux de conversion minimum assure un revenu aux retraités – rentes AVS et de pension additionnées – supérieur à 60% du salaire avant retraite, ce qui reste acceptable.

Le comité référendaire parle de «vol de rentes» pour s’opposer à cette réduction. L’argument est particulièrement malhonnête. Tout d’abord, la modification de la LPP soumise à votation ne remet pas les rentes des actuels retraités en question: ceux-ci continueront à recevoir la rente déterminée par le taux de conversion valable au moment de leur retraite. D’autre part, même avec une diminution du taux, les futurs retraités encaisseront statistiquement l’intégralité de leur capital vieillesse. On ne vole donc ni les actuels, ni les futurs retraités. On volerait plutôt les enfants de ceux-ci en leur faisant porter le poids d’éventuelles hausses de cotisations destinées à conserver un taux de couverture suffisant des caisses.

Il faut enfin relever que le taux de conversion prévu par la LPP est un taux minimum. Les caisses avisées ayant réussi des placements particulièrement rémunératoires ont tout loisir d’en faire bénéficier leurs assurés en leur garantissant un taux plus élevé que celui prévu par la loi. Cette situation est celle que connaissent de nombreuses caisses privées. Les caisses institutionnelles, celles de la Confédération, de l’Etat de Vaud ou de la ville de Lausanne pour ne citer que quelques mauvais élèves, ont pour la plupart un taux de couverture insuffisant et appliqueront naturellement le taux légal minimum…

L’auteur de ces lignes, tout comme la gauche, n’est pas heureux de penser que, en quelques années, ses espérances de rentes de retraite ont baissé d’un neuvième avec le passage du taux de conversion de 7,2 à 6,4%, alors que ses cotisations pour le deuxième pilier augmentent de manière simultanée. Il considère toutefois que ce n’est pas à ses enfants et futurs petits-enfants d’assumer son futur train de vie de retraité. C’est donc un petit OUI à la modification de la LPP qu’il déposera dans les urnes le 7 mars prochain.

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