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Recherche sur l’être humain

Denis Ramelet
La Nation n° 1882 12 février 2010
L’article constitutionnel relatif à la «recherche sur l’être humain» (art. 118b nouveau), troisième objet au menu des votations fédérales du 7 mars prochain – à côté de la baisse du taux de conversion et de l’avocat des animaux –, jouit d’un assez large soutien politique: du PS à l’UDC, en passant par le PLR. Le PDC le soutient aussi, de même que le Parti évangélique (PEV). Les Verts sont divisés et laissent la liberté de vote. Seule l’Union démocratique fédérale (UDF, évangéliques conservateurs) conclut au rejet.

Outre les motifs moraux relevés par l’UDF et sur lesquels nous reviendrons plus bas, il y a un motif institutionnel de rejeter ce nouvel article constitutionnel: il est clairement centralisateur. Nous lisons en effet dans la brochure explicative du Conseil fédéral (p. 5): «La recherche sur l’être humain soulève des questions sensibles du point de vue éthique, d’où la nécessité d’en fixer le cadre à l’échelle nationale [lisez: fédérale] 1». Et plus loin (p. 11): «La protection de la dignité humaine et de la personnalité dans la recherche doit être garantie à l’échelle nationale [fédérale]. La recherche n’est pas un domaine où l’on peut se satisfaire de législations cantonales disparates.» Nous craignons que la condescendance exprimée dans cette dernière phrase ne porte pas seulement sur la disparité mais aussi sur les cantons comme tels: pour les technocrates fédéraux, la dignité humaine est une chose trop importante pour être laissée aux cantons…

Cependant, les centralisateurs fédéraux trahissent qu’ils ne sont une fois de plus que les relais de l’idéologie mondialiste dans la Confédération helvétique: «Les exigences posées à la recherche par l’article constitutionnel concordent avec les règles internationales reconnues. C’est important, car la recherche ne se borne pas au territoire suisse, mais s’inscrit dans un contexte international» (p. 11). La dignité humaine est une chose trop importante pour être laissée aux législations nationales (ou prétendues telles).

Après le motif institutionnel, passons brièvement en revue les motifs moraux de rejeter l’article constitutionnel proposé. Il légitime la recherche sur les personnes incapables de discernement (enfants, personnes handicapées ou démentes) même «lorsque le projet de recherche ne permet pas d’escompter un bénéfice direct pour [c]es personnes», à cette seule condition, fort vague: «les risques et les contraintes doivent être minimaux» (art. 118b al.2 litt. c, brochure p. 8). Ce qui n’empêche pas les auteurs de la brochure d’écrire (p. 10): «l’article constitutionnel fixe des conditions sévères à la protection de ces personnes». Quant au projet de loi fédérale relative à la recherche sur l’être humain (LRH), dont les Chambres débattront si l’article constitutionnel est accepté par le peuple et les cantons, il légitime la recherche sur des femmes enceintes ainsi que sur des embryons et foetus in vivo (art. 25), sur les méthodes d’interruption de grossesse (art. 26), sur des embryons et foetus issus d’interruptions de grossesse (art. 38), sur des embryons et foetus issus d’avortements spontanés ainsi que sur des enfants mort-nés (art. 39).

La philosophie qui inspire les centralisateurs fédéraux n’est rien d’autre que l’utilitarisme anglais du XIXe siècle (Jérémy Bentham et John Stuart Mill). Il semble en effet que le critère «moral» ultime est celui du «rapport admis entre les risques et les bénéfices» (Message du Conseil fédéral sur la LRH, Feuille fédérale 2009, p. 7260).

Pour les motifs tant institutionnels que moraux énoncés ci-dessus, nous voterons NON.

 

NOTES:

1) La nation, c’est le Canton, et non la Confédération, qui est une alliance de nations.

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