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Brèves remarques sur une décision de justice

Rédaction
La Nation n° 1912 8 avril 2011

Le 19 avril 2010, deux ans après la publication d’un article dans La Nation du 11 avril 2008 (premier d’une série de quatre intitulée «Le lynchage médiatique des Serbes»), ses deux auteurs avaient été dénoncés par deux associations (TRIAL et SPM) pour discrimination raciale (article 261 bis du Code pénal) auprès des autorités judiciaires vaudoises.

L’alinéa 4 de cette disposition, on le rappelle, sanctionne notamment le fait de nier ou de minimiser grossièrement un génocide ou d’autres crimes contre l’humanité dans le but de porter atteinte à la dignité humaine d’une personne ou d’un groupe de personnes en raison de leur race, de leur appartenance ethnique ou de leur religion.

La Nation avait réagi le jour même de la dénonciation par un communiqué dont la presse avait restitué l’essentiel. Nos lecteurs en ont eu connaissance dans La Nation du 23 avril 2010.

Il y a un mois, soit presque une année après la dénonciation, le procureur général adjoint du Canton de Vaud a ordonné le classement de l’affaire. En d’autres termes, l’autorité saisie a rendu une décision de non-lieu, tout en mettant les frais de justice (par deux fois 562 francs et 50 centimes) à la charge des rédacteurs, considérant que leurs articles avaient donné lieu à l’action pénale et qu’il leur revenait dès lors d’en assumer les frais. Mis à part le cas du prévenu qui fait de l’obstruction, ce qui n’a pas été le cas en l’occurrence, la possibilité de mettre les frais de justice à la charge d’une personne non condamnée est contestable dans son principe même.

Le 261 bis est sans doute un des articles du Code pénal les plus chargés émotionnellement. Une dénonciation en vertu du 261 bis suscite immédiatement des amalgames et des rapprochements avec les pires forfaits du passé. La presse commente la dénonciation en long et en large, les lettres de lecteurs indignés suivent, internet diffuse tous azimuts. La réputation des personnes dénoncées en souffre quoi qu’il advienne. Une lourde pression s’exerce sur le juge.

Le non-lieu rendu par la justice vaudoise est d’autant plus précieux. L’ordonnance de classement a reconnu que les deux rédacteurs n’avaient pas «abaissé ou discriminé d’une façon qui porte atteinte à la dignité humaine une personne ou un groupe de personnes en raison de leur race, de leur appartenance ethnique ou de leur religion». C’était évident, mais nous sommes heureux de voir la justice vaudoise se rallier à cette évidence.

Les attendus se fondent sur des décisions du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie. Les tribunaux se voient donc désormais investis d’une compétence exorbitante en matière d’histoire: s’ils décident que telle opération militaire ou paramilitaire constitue un crime contre l’humanité, ils la mettent définitivement hors discussion historique. Cela pose un problème de principe aux journalistes et aux historiens. Que reste-t-il de leur crédibilité professionnelle s’ils ne jouissent plus d’une liberté réelle de recherche et de critique?

Quoi qu’il en soit, la décision de la justice vaudoise contribue à une jurisprudence restrictive sur deux points importants: premièrement, la demande des associations dénonciatrices d’être considérées comme parties civiles a été rejetée; elles n’ont donc pas eu la possibilité de recourir. Il est bon qu’une loi aussi explosive que l’article 261 bis du Code pénal ne puisse pas être trop facilement instrumentalisée par des groupes de pression.

Secondement, l’ordonnance de classement confirme la jurisprudence du Tribunal fédéral, strictement conforme à la lettre de la loi, selon laquelle une intention de discrimination raciale – absente en l’occurrence – est nécessaire pour que soit réalisée l’infraction visée à l’article 261 bis alinéa 4 du Code pénal. La pratique tend ainsi à réduire, dans la mesure où c’est possible, le caractère idéologique du 261 bis.

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