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Conseils communaux à la proportionnelle: NON au diktat du Grand Conseil

Félicien Monnier
La Nation n° 1916 3 juin 2011
En démocratie, le paysage politique d’une collectivité – fédération, nation ou commune – est fondamentalement influencé par le système électoral qui y est en vigueur. Aux Etats-Unis d’Amérique et en Grande-Bretagne, l’ancestrale opposition démocrates-républicains ou labours-tories est mathématiquement la conséquence du système électoral majoritaire uninominal à un tour; entendons par-là l’élection dans une seule circonscription d’un seul député en un seul tour. A l’opposé, à l’Assemblée fédérale ou dans la Knesset israélienne, le système proportionnel permet à huit partis d’avoir voix au chapitre. Ces deux systèmes sont bien entendu l’objet de nombreuses subtilités et variations de par le monde. Il sera par conséquent évident que le travail parlementaire ne se fera pas du tout de la même manière à Washington ou à Tel Aviv.

Dans sa séance du 12 avril dernier, le Grand Conseil vaudois a voté en faveur d’une modification de la Constitution cantonale visant à contraindre les communes de plus de trois mille habitants à adopter le système électoral proportionnel pour les élections au conseil communal. En effet, si aujourd’hui le principe est déjà que les conseillers communaux sont élus à la proportionnelle, avec le nouveau texte, seules les communes de moins de trois mille habitants pourront encore opter pour le système majoritaire. dans le régime antérieur au projet et encore en vigueur, toutes peuvent déroger au régime constitutionnel et adopter le système majoritaire, de Penthalaz à Lausanne.

Ainsi, si le texte venait à être adopté, pas moins de quatorze communes, dont Echallens, Blonay, Bourg-en-Lavaux ou Prangins, seraient directement concernées et devraient changer de système. de plus, de très nombreuses autres communes seraient indirectement touchées: leur compétence en matière de choix de leur système électoral serait annihilée dès qu’elles dépassent les trois mille habitants.

Cette nouveauté est donc doublement néfaste. Non seulement elle porte gravement atteinte à l’autonomie communale, mais surtout elle ouvre toutes grandes les portes à l’arrivée des partis dans des communes qui ne les connaissent pourtant pas.

Il est intéressant de constater que, dans l’histoire politique de notre Canton, l’introduction du système proportionnel a toujours été l’objet de violents combats. L’année 1960 avait ainsi vu l’introduction de la proportionnelle sous la pression des socialistes; le dossier traînait depuis 1948. Les radicaux avaient en contrepartie obtenu un subtil découpage du territoire en circonscriptions bien réfléchies. A l’époque, la votation n’avait pas soulevé l’enthousiasme de la population et le taux de vote, misérable, avait été de 16%.

Entre hier et aujourd’hui, la constante que l’on remarque est que le débat sur l’introduction de la proportionnelle n’est jamais exempt de manoeuvres et stratégies, généralement à court terme, des partis. Ceux qui sont favorables à la proportionnelle veulent gagner des sièges, l’opposition ne veut pas en perdre. Mais le fond de l’affaire est que tous les partis, pour autant qu’ils soient un tant soit peu raisonnables, ont un intérêt commun dans l’introduction du système proportionnel. Qui peut en effet assurer à un parti majoritaire que dans vingt ans sa position sera toujours la même? Les tout puissants radicaux de 1960 sont aujourd’hui bien contents de profiter du système proportionnel…

En ce qui concerne nos communes et leurs organes législatifs, l’introduction du système proportionnel renverse complètement la façon de faire de la politique. En effet, dans la proportionnelle, l’unité de réflexion n’est plus l’élu, qui a un nom, un caractère, une profession – bref, que l’on connaît. Elle est le siège, dont chaque liste reçoit un certain nombre, à charge pour elle de les attribuer à ses candidats qui auront recueilli le plus de voix. Ceci laisse la place à la cuisine interne, en particulier aux départs de dernière minute de quelques vieilles et notoires têtes de listes qui n’ont jamais sérieusement envisagé de commencer un nouveau mandat. Le subtil agencement des noms sur les listes prend alors tout son sens. Tout comme la chasse aux célébrités. Bien sûr, ces manoeuvres existaient déjà lors du règne du système majoritaire. Mais celui-ci est plus personnalisant, rendant les manoeuvres de coulisses plus difficiles.

Ce serait enfin une grave erreur de croire que l’introduction du système proportionnel va provoquer, là où il n’y en a pas encore, des listes spontanées de citoyens responsables et unis derrière les zones à trente à l’heure et les garderies, coeur du bien commun de nos villages, c’est bien connu. Ceux qui afflueront seront les partis. Ainsi, par un effet réflexe tout à fait prévisible, il suffira qu’un seul parti crée une section locale en vue des élections communales pour que tous les autres partis accourent comme autant de meutes de loups affamées de sièges. N’oublions pas que le nombre de sièges communaux est toujours considéré par les comités directeurs comme un argument de poids dans la course au Grand Conseil.

Les partisans de la réforme sont les promoteurs d’une démocratie dépersonnalisée, dans laquelle le critère de réflexion n’est plus la personne élue, mais bien le nombre de sièges obtenus, soit l’abstraction du pouvoir. Ils croient en un système qui, une fois les communes mises au pas, donnera libre cours aux stratagèmes de basse cour.

Aujourd’hui encore, à Belmont, Saint-Prex ou Préverenges, on vote pour des noms familiers, même s’ils sont parfois déjà affiliés à un parti. demain, si la proportionnelle est introduite, on votera petit à petit pour des listes, non plus pour des personnes. Faire le pas du système proportionnel peut parfois se justifier. Mais c’est aux communes concernées de décider de le faire, le plus loin possible de la pression des «groupes» du Grand Conseil. La date de la votation nous est encore inconnue; ce qui est certain, c’est que nous voterons NON.

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