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Défendre le mauvais pour éviter le pire

Olivier DelacrétazEditorial
La Nation n° 1945 13 juillet 2012

Prenons trois cas très éloignés et très semblables. Après notre défaite de 1996 contre «Ecole vaudoise en mutation» (EVM), nous écrivions dans La Nation qu’un jour viendrait où nous défendrions âprement cette réforme égalitaire contre la suivante parce qu’elle le serait encore plus. Ce fut le cas l’année dernière, où nous aurions cent fois préféré conserver la situation EVM plutôt que de laisser passer la nouvelle loi sur l’enseignement obligatoire de Mme Lyon1.

Lors des votes sur la caisse unique et sur les réseaux de soins, nous nous sommes vus contraints de plaider en faveur d’un système de santé déséquilibré, alourdi par l’assurance obligatoire, miné par l’épicerie de la facturation aux points, dévoyé par la prééminence des questions financières sur l’art médical et avachi par la fonctionnarisation rampante de la médecine.

A propos de l’adoption d’enfants par des couples homosexuels, nous devrons faire valoir le droit de famille actuel. Il est pourtant fort éloigné de la conception traditionnelle de la famille.

Naguère communauté en principe indissoluble, milieu propre de la génération et de l’éducation, fondement de la société politique, la famille s’est rétrécie jusqu’à devenir un arrangement juridique entre deux individus soucieux de conserver leur quant-à-soi.

Le droit de famille tel qu’il évolue exprime – renforce et parfois précède – ce rétrécissement en facilitant le divorce, en traitant sur pied d’égalité l’enfant légitime et l’enfant né hors mariage, en supprimant le chef de famille et en banalisant le nom de famille, devenu le patromatronyme. L’adoption, suite psychologiquement programmée du partenariat civil, serait le pas suivant.

D ans les trois cas, c’est un désir de justice qui est à l’oeuvre. Le problème, c’est qu’il repose sur cette idée que la justice consiste en une application à tous les rapports humains du principe d’égalité absolue. La mise en oeuvre de ce principe porte nécessairement atteinte aux communautés familiales ou autres en tant qu’elles sont hiérarchisées et que les rôles y sont différenciés.

Quoi qu’il en soit, il s’agit dans les trois cas de plaider pour conserver un système mauvais dans l’espoir d’en éviter un pire.

Bien entendu, il ne s’agit pas de plaider pour un système mauvais en tant qu’il est mauvais. Il s’agit de sauver ce qu’il y reste de bon. Dans la plus dégradée des organisations et le plus pourri des systèmes, il subsiste des différences et des hiérarchies. C’est autant de sauvé par rapport à l’indifférenciation complète qui est au terme du processus égalitaire.

De plus, la nature résiste. La pratique quotidienne de l’enseignement, de la médecine et de la vie de famille rétablit, en marge du système, certains équilibres nécessaires, certaines barrières, certaines distinctions, certains éléments d’autorité. Les sauver, c’est se conserver des possibilités d’améliorations ultérieures.

Nous ne nous battions pas pour EVM, mais pour sauver ce qu’EVM n’avait pas détruit et ce que les enseignants avaient reconstruits. Nous ne nous battons pas pour l’assurance obligatoire, Tarmed et les édits des caisses, mais pour conserver les restes d’indépendance médicale que le législateur n’a pas encore éradiqués. Et nous ne défendons pas la dislocation de la famille, mais les aspects de la famille traditionnelle qui ont résisté à la dislocation.

Cela nous impose d’aborder ces thèmes délicats toujours plus tôt, et de le faire avec le surcroît de nuances, de précision et d’explications qu’exige notre situation légèrement paradoxale.

 

1 voir le site www.uneministrementeuse.ch

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