Identification
Veuillez vous identifier

Mot de passe oublié?
Rechercher


Recherche avancée

Les années septante vues par Vialatte (2)

Alexandre Vialatte
La Nation n° 1945 13 juillet 2012

[…] J’écrivais récemment, dans ces colonnes, je crois: la civilisation se lézarde sous un ciel gris. C’est une phrase qu’il faut modifier, car les situations évoluent. Il faut savoir reconnaître ses torts. J’écrirai donc cette fois, pour ne pas faire d’entorse à la vérité historique: la civilisation s’effrite sous un ciel bleu. Que dis-je? Elle s’effrite? Elle se lézarde, elle se crevasse. Elle tombe par pans, par blocs énormes qui écrabouillent les gens au passage. […] Et les journaux ne nous disent pas tout. En France, où l’on échappe encore à l’écroulement et où les murs n’en sont encore qu’à la lézarde, ce qu’on apprend dépasse les journaux.

La consigne est de fermer les yeux. Dans l’enseignement par exemple. C’est par un ami, fortuitement, un professeur, que j’apprends que dans tel lycée on a trouvé le concierge à moitié assommé, au petit matin, dans l’escalier. Des professeurs font la grève en attendant le moment où il leur deviendra possible de distribuer l’enseignement dans des conditions qui le permettent. Ce fameux enseignement, qui est dit obligatoire, n’est pas nécessairement possible en tous les cas. D’autres traduisent à l’usage des enfants des manuels de guérilla scolaire où l’on prêche le «mariage de groupe». Il y a eu, boulevard Saint- Germain, une conférence d’un docteur suédois pour expliquer, avec un sérieux scandinave, que l’Etat, se devant au bien-être de tous, devait mettre au service des maniaques les enfants des écoles après les heures de classe. Une assistante d’hygiène sociale les y mènerait après le goûter. Ou même pendant. Tartine en main. Comme de telles choses provoquent encore le rire en France (je dis «encore»), ils nous a traités d’arriérés en déplorant le «sous-développement» des races latines. […]

 

Alexandre Vialatte, chronique 891 du 21 février 1971, in Chroniques de la Montagne (volume 2), Paris, robert Laffont, 2000.

 

Vous avez de la chance, cet article est en accès public. Mais La Nation a besoin d'abonnés, n'hésitez pas à remplir le formulaire ci-dessous.
*


 
  *        
*
*
*
*
*
*
* champs obligatoires
Au sommaire de cette même édition de La Nation: