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Le paradoxe des blogs antimodernistes

Lionel Hort
La Nation n° 1948 24 août 2012

Dans le paysage médiatique récent, on a beaucoup parlé du phénomène des blogs, ces plate-formes consultables par internet sur lesquelles des «billets» ou articles concernant les sujets les plus divers sont régulièrement publiés par leur auteur, le blogueur. Si les blogs dédiés à l’étalage de la vie sentimentale des footballeurs ou des starlettes ont connu leur heure de gloire, il existe d’autres types de blogs développés par des catégories de blogueurs plus variées. Des sites de cuisine, de poésie, de philatélie et de jardinage existent aux côtés de blogs plus «engagés», dédiés à la politique, à la philosophie ou à la théologie.

Généralement, les blogs traitant de sujets superficiels ou futiles ont une durée de vie plutôt courte. Pour les autres, leur longévité est variable et dépend avant tout de l’enthousiasme et de la persévérance de leur animateur. Aujourd’hui, le phénomène initial des blogs semble s’essouffler et avoir été éclipsé par les réseaux sociaux comme Facebook et Twitter, qui offrent des facilités de communication similaires mais dirigées vers un public prédéterminé d’«amis» ou de «suiveurs». Les sites de chroniques en ligne qui veulent durer doivent offrir une réflexion de qualité, être régulièrement mis à jour et si possible lus, ce qui suppose l’existence d’une base fidèle de visiteurs. Des blogs, tel commentaires.com de M. Philipe Barraud, ont acquis une notoriété confirmée et constituent une source de référence pour de nombreux lecteurs dont certains alimentent les discussions par leurs propres contributions.

Dans le domaine des blogs engagés (et parfois enragés…), on trouve une extrême variété de tendances allant des libres-penseurs aux ufologues en passant par les végétaliens radicaux, les complotistes, les transhumanistes, les anarchistes et bien d’autres encore dont la rigueur intellectuelle peut être parfois relative. La vogue des blogs traitant de philosophie, de politique, de théologie en défendant un point de vue conservateur voire réactionnaire mérite néanmoins d’être signalée, d’autant que ces sites véhiculent une vision du monde plutôt inattendue dans le milieu de la «blogosphère».

Parmi les blogs antimodernistes, on rencontre notamment ceux issus de la droite traditionnelle, catholique et monarchiste, ceux d’inspiration identitaire comme fdesouche.com et d’autres encore prônant une critique plus ou moins radicale de la société et se plaçant en général en dehors d’elle. Ces blogs offrent un moyen d’expression à ceux qui ne veulent ou ne peuvent faire entendre leur voix dans les médias traditionnels. Comme c’est souvent le cas des blogs engagés, les sites réactionnaires se constituent en réseaux, se renvoyant l’un à l’autre et partageant un public récurrent qui favorise une certaine longévité. Outre la publication d’images, de vidéos ou de liens, les animateurs de ces sites sont attentifs à mettre à jour régulièrement leurs statuts et à répondre aux commentaires laissés par les internautes de manière à susciter un esprit de communauté parmi leurs visiteurs. Il semble que les outils de la modernité soient plutôt bien assimilés par ces auteurs, nonobstant les critiques qu’ils lui adressent. On pourrait se demander, au nom d’une certaine cohérence, comment ces blogs rencontrent malgré tout un public a priori plus attaché à la défense de la tradition qu’à la pointe de la technologie.

Le paradoxe n’est qu’apparent puisque les critiques adressées par les blogueurs réactionnaires à l’époque actuelle portent sur ses fondements philosophiques erronés, ses valeurs dévoyées, son inhumanité et ses incohérences mortifères plutôt que sur les moyens et attributs que lui offre l’évolution de la technique et dont ils s’accommodent finalement volontiers. Au même titre que les autres blogs, les sites antimodernistes fonctionnent sur une base communautaire et s’appuient sur les motivations idéalistes ou égocentriques de leurs animateurs. Ils manifestent surtout les incroyables possibilités offertes par internet qui permet désormais aux informations et aux idées – quelles qu’elles soient – de circuler facilement et rapidement sans qu’il soit toujours facile de distinguer l’élucubration délirante de l’analyse pertinente.

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