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Des crèches fédérales?

Félicien Monnier
La Nation n° 1948 24 août 2012

L’état avancé de la centralisation fédérale a rendu plus rares les modifications constitutionnelles émanant directement des Chambres fédérales. La Feuille fédérale1 vient néanmoins de régurgiter l’une de ces modifications. Elle émane, via le Parlement, de la Commission de la sécurité sociale et de la santé publique. Celle-ci vise à introduire une législation en matière d’accueil de jour parascolaire par l’introduction d’un article 115a (nouveau) dans la Constitution.

Actuellement, la Confédération doit déjà «prendre en considération les besoins des familles»2 et «soutenir les mesures destinées à les protéger». Cela donne la possibilité d’une législation en matière d’allocations familiales et d’assurance- maternité. On le sait, la compétence a été exercée.

Depuis le 15 juin dernier, les Chambres veulent aller encore plus loin. Si le texte était accepté en votation, les cantons seraient sommés de «pourvoir, en particulier, à une offre appropriée de structures de jour extrafamiliales et parascolaires». Le but de la modification est d’encourager des «mesures permettant de concilier la vie de famille et l’exercice d’une activité lucrative ou d’une formation». La Confédération ordonne, les cantons exécutent. Jusque là nous sommes face à une assez traditionnelle mais non moins détestable formule, qui consiste à fixer dans la Constitution fédérale les compétences des cantons.

Est-il utile de rappeler le principe selon lequel tout ce qui ne figure pas dans la Constitution est de compétence cantonale? En réalité, cette forme perverse de délégation descendante est déjà une forme de centralisation, tant elle laisse croire à l’existence d’une compétence fédérale générale. Lors de la prochaine modification, il n’y aura guère plus qu’un mot à changer.

Malheureusement ce n’est pas tout. Nous avons déjà dénoncé à plusieurs reprises une nouvelle conception du principe de subsidiarité qui fait florès dans les travées du Parlement. Une fois de plus, la modification proposée par Berne fait de l’autoritarisme fédéraliste. En effet, ce système de la délégation descendante (du fédéral au cantonal) peut ne pas fonctionner. Ainsi en serait-il si les cantons faisaient du refus d’ordre. La Confédération recevrait alors la compétence de légiférer. La formule est sans appel: «Si les efforts des cantons ou de tiers ne suffisent pas, la Confédération fixe les principes applicables…» Par ce mécanisme, les cantons sont niés en tant qu’entités souveraines et deviennent de simples arrondissements administratifs et électoraux. Il est évident qu’il appartiendra à la Confédération de juger de l’effort fourni par eux. N’attendons d’elle aucune clémence.

Nous aurons donc sous peu une quelconque «LCrè» pour loi fédérale sur les crèches.

Il est alarmant que cette modification nous vienne directement des Chambres fédérales. Lorsqu’un tel mécanisme est proposé par un comité d’initiative non lié à un parti, sa proposition est presque pardonnable. L’enthousiasme et la passion peuvent expliquer certaines erreurs. Mais lorsqu’il émane du Palais fédéral lui-même, ce système est intolérable.

Nos députés oublient-ils qu’ils viennent des entités territoriales dont ils se moquent des capacités? Lors de leurs campagnes électorales, c’est dans les endroits les plus reculés de leur canton qu’ils ont serré des mains. Sur les marchés, sur Facebook, dans les fêtes populaires, entre les verres de vin blanc et les haut-parleurs, ils se sont répandus sur la proximité qu’ils offriraient à leurs électeurs. La façon qu’ils avaient alors de s’exprimer, leur accent, leurs réactions aux questions des électeurs, leur vision des relations humaines étaient autant de signes de leur appartenance cantonale. Une fois à Berne, c’est pourtant massivement qu’ils votent des lois fédérales, des articles constitutionnels qui ne font des cantons que de malléables exécutants. Il semble y en avoir à dire sur l’ivresse du pouvoir!

De la révision de la loi sur l’aménagement du territoire à la modification que l’on vient de traiter, l’année 2012 est prometteuse en centralisations aberrantes et en subsidiarité méprisante.

Nous voterons NON!

Notes:

1 FF 2012 5465.

2 Les citations en italiques renvoient aux textes constitutionnels.

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