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NON au référendum financier déguisé

Antoine Rochat
La Nation n° 2094 13 avril 2018

A la question «Un vote populaire sur l’avion de combat?», M. Jean-François Cavin a répondu par la négative dans les colonnes de votre journal vaudois favori1.

La problématique sous-jacente du référendum financier éventuel revient sur la table à un double titre: à propos de la défense aérienne du pays et au sujet d’une candidature suisse aux Jeux olympiques d’hiver de 2026. Il vaut donc la peine d’en reparler.

Mécanismes juridiques

La Constitution fédérale distingue le référendum obligatoire (art. 140) du référendum facultatif (art. 141). Le premier s’applique notamment aux révisions constitutionnelles et il requiert alors la double majorité du peuple et des cantons (art. 142). Quant au second, il s’applique en particulier aux lois fédérales et aux arrêtés fédéraux «dans la mesure où la Constitution ou la loi le prévoient»2.

La loi fédérale sur l’Assemblée fédérale (loi sur le Parlement) définit en termes généraux quels sont les arrêtés qui sont soumis au référendum facultatif et ceux qui ne le sont pas. Dans ce dernier cas, on parle d’«arrêté fédéral simple»3.

Quant au référendum financier, portant sur des dépenses d’une certaine importance, il existe dans plusieurs cantons, mais pas à l’échelon de la Confédération. Il faudrait sans doute modifier la Constitution fédérale pour introduire un tel instrument dans notre ordre juridique.

Défense aérienne

Malgré l’avis contraire de La Nation, le Conseil fédéral a décidé, lors de sa séance du 9 mars 2018, de présenter au Parlement le programme «Air 2030» sous forme d’un arrêté de planification4, soumis au référendum facultatif. Ce programme prévoit surtout l’achat de nouveaux avions de combat, mais également l’acquisition d’un nouveau système de défense aérienne, pour un montant total de 8 milliards de francs5.

Le Conseil fédéral tient à ouvrir la voie à un vote du souverain, après le rejet de l’initiative populaire contre les avions F/A-18 (1993) et après l’échec de l’arrêté sur l’achat des avions Gripen (2014).

Même s’il est présenté comme un arrêté de planification, le programme de défense aérienne est à l’évidence une réunion de dépenses – certes élevées – à charge de l’Etat. Or, les décisions de l’Assemblée fédérale en matière financière sont prises sous la forme d’arrêtés simples, non soumis au référendum6.

La proposition de l’exécutif fédéral créerait un précédent et risquerait d’introduire le référendum financier de manière déguisée. Nous y sommes donc opposés.

Jeux olympiques

Le 13 mars dernier, le Conseil national a accepté (par 92 voix contre 87) une motion de Mme Silva Semadeni, socialiste grisonne, demandant que le peuple puisse se prononcer sur l’organisation des Jeux olympiques d’hiver de 2026 en Suisse.

Au nom du Conseil fédéral, M. Guy Parmelin, ministre des armées et des sports, a relevé que cette proposition n’était pas conforme aux lois en vigueur et qu’elle risquait de créer un précédent pour d’autres domaines de subventions. Cette fois, nous sommes d’accord avec l’organe exécutif.

Le Conseil des Etats doit encore se prononcer sur la motion de Mme Semadeni lors de la prochaine session d’été. Si les sénateurs s’opposent à la motion, celle-ci n’aura pas de suite.

Dans l’intervalle, le peuple valaisan aura voté le 10 juin prochain sur la candidature de Sion à l’organisation des Jeux d’hiver de 2026. Si les Valaisans votent non, la question sera réglée et il n’y aura aucune candidature suisse en 2026. S’ils votent oui, la décision du Conseil des Etats reprendra toute son importance.

Conclusions

Le référendum financier pose des questions juridiques, mais aussi politiques. Les dépenses militaires ou les grandes compétitions sportives sont des sujets émotionnels. Les médias et les sondages d’opinion jouent leur rôle de moyens de pression.

Il faut cependant garder la tête froide. L’introduction d’un éventuel référendum financier à l’échelon fédéral, qui poserait des questions pratiques importantes, doit être étudiée soigneusement. On ne peut pas en décider par des voies déguisées et sous le coup de l’émotion.

Notes:

1  La Nation n° 2075 du 21 juillet 2017.

2  Art. 141 al. 1 lit. c Cst. féd.

3  Art. 163 al. 2 Cst. féd. Voir aussi l’article précité de M. Cavin sur ce point.

4  Selon l’art. 28 al. 3 de la loi fédérale sur le Parlement, les arrêtés de planification ne sont pas soumis au référendum, sauf «s’ils sont de portée majeure».

5  Ce programme comprendrait aussi la surveillance permanente de l’espace aérien du pays.

6  Ar. 25 al. 2 de la loi fédérale sur le Parlement.

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