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La classe moyenne, nombreuse et fertile

Jean-François Cavin
La Nation n° 2094 13 avril 2018

C’est bien connu, les riches deviennent toujours plus riches et les pauvres, toujours plus nombreux, deviennent toujours plus pauvres. C’est vrai puisque tout le monde le dit: les pleureuses sociales, les caritatifs immatures, les nantis à la conscience torturée, les partis de gauche impatients de loger leurs gens dans le fromage des bureaux d’assistance (et les partis de droite n’osent pas le contester, puisque c’est si clairement établi). On en déduit que le «système» est pervers, et qu’il urge donc de le changer radicalement (et les gens de droite, qui ne tirent évidemment pas cette conclusion, restent muets, car ils sont bien embêtés). On ne va certes pas renouveler l’expérience communiste, qui a profité aux apparatchiks bien nourris et bien arrosés plus qu’au petit peuple famélique faisant la queue devant des magasins vides. Mais il y a du grain à moudre du côté du partage organisé, de la solidarité bureaucratique, de la fiscalité redistributive. De toute façon, il faut agir, car la chose est sûre: les pauvres, toujours plus nombreux, deviennent toujours plus pauvres, et les riches,… etc. Et entre ces deux groupes emblématiques de l’injustice fondamentale de notre régime, la classe moyenne, naguère ciment de la société, s’étiole, c’est parfaitement connu aussi.

Et voici que l’Office fédéral de la statistique (OFS) sort des chiffres. La classe moyenne des revenus s’est agrandie, atteignant 60,1% de la population en 2015, en augmentation de 3% environ (ce qui est considérable) par rapport à la moyenne des années 2011-2014. La part des personnes à faible revenu a diminué de 1,4% (ce qui n’est pas rien non plus) de 2013 à 2015. La proportion des personnes à haut revenu a donc décru de 20,1% à 18,4% (- 1,7%). La «classe moyenne» est celle dont le revenu est compris entre un plancher et un plafond, par exemple entre 3’930 et 8’422 francs par mois pour une personne seule.

Il faut prendre ces données avec des pincettes, car la statistique est la forme officielle du mensonge, surtout quand elle va à l’encontre des idées si bien reçues des pleureuses sociales et compagnie. Et puis, les personnes à faible revenu de cette statistique, susceptibles de gagner tout de même près de 4’000 francs mensuels pour certaines d’entre elles, ce ne sont pas seulement les gens touchés par la grande pauvreté, qui fait des ravages. Surtout celle des familles monoparentales, dont la précarité est tragique. (Conviendrait-il alors de réhabiliter le mariage indissoluble? Chut! répondent les pleureuses, ce n’est pas le sujet, et d’ailleurs il faut vivre aux prises avec la réalité du XXIe siècle, où les riches… etc.).

Nous nous méfions certes des statistiques. Néanmoins l’Office fédéral en cause n’est pas peuplé de rigolos, d’autant moins qu’il siège à Neuchâtel. Il convient donc d’accepter l’hypothèse que la classe moyenne soit en croissance.

La classe moyenne, qui fait tenir le pays debout? Concept douteux d’un point de vue socio-politique, car la population, infiniment variée, se laisse mal enfermer dans des catégories. Il y a des intellectuels d’élite qui tirent le diable par la queue, des taborniaux chanceux fort à l’aise dans leurs affaires, et le peuple coloré des ouvriers qualifiés, des employés de bon niveau, des contremaîtres et des petits patrons, solide dans l’ensemble, comprend aussi bien des personnalités douées d’esprit civique que des individualistes dénués du moindre sens communautaire. Mais du point de vue strictement financier, qui est celui de l’OFS, il est légitime d’établir une classification et de dénombrer les ressortissants de chaque groupe.

Le renforcement de la «classe moyenne» est une bonne nouvelle sur le plan social et politique: c’est un gage de stabilité. C’est aussi une bonne nouvelle pour le percepteur. Car s’il tond les riches assez ras, il ne peut pas les écorcher sous peine de leur faire prendre la fuite. Les contribuables à revenu moyen, fortement taxés par maints cantons (dont celui de Vaud), sont moins profitables individuellement, mais beaucoup plus nombreux: 60,1%! Les jolis cours d’eau font les puissants fleuves; la classe moyenne irrigue l’administration publique; elle rend le fisc heureux.

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