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Cent ans de politique agricole vaudoise

Jean-Michel Henny
La Nation n° 2164 18 décembre 2020

A l’occasion du centième anniversaire de la Chambre vaudoise d’agriculture, Jacques Janin, directeur de 1985 à 2001, et Daniel Gay, il y a peu encore responsable du secteur assurances de cette organisation, décrivent les circonstances et le cadre politique qui ont conduit à la création de cet organe de défense professionnelle en 19201.

Une période troublée

La guerre se termine en 1918 par la grippe qui tue, la révolution qui menace et la famine qui guette. Les paysans, qui représentent encore 25% de la population, se sentent de plus en plus mal représentés par les partis politiques traditionnels, les radicaux en particulier. C’est l’avènement des partis agrariens en Suisse alémanique, ancêtres de l’UDC, sous l’impulsion d’Ernest Laur, alors directeur de l’Union suisse des paysans. Au bénéfice de l’adoption du mode de scrutin proportionnel, ces partis remportent des victoires éclatantes et inattendues à Zurich et à Berne notamment. En Pays de Vaud, le Parti national paysan est fondé à l’église de Saint-Cierges en 1921 par des notables libristes et piliers d’église, mais surtout réfractaires à la toute-puissance radicale. Le parti se pare de la couleur violette et publie son journal, Le Pays Vaudois.

La Chambre vaudoise d’agriculture

Les paysans vaudois sont divisés en une multitude d’associations et de groupements épars et parfois concurrents. Après la guerre, le besoin d’unité se fait sentir et la Chambre d’agriculture est créée à l’Hôtel de ville de Lausanne le 19 mai 1920. Elle désigne son secrétaire en la personne d’Henri Blanc, ingénieur agronome qui jouit d’une formation acquise en partie en Allemagne et dirige l’institution jusqu’en 1953 de façon efficace, pragmatique et sans ambition politicienne. L’ensemble des paysans et vignerons vaudois sont ainsi sereinement représentés, sans clivage entre agrariens, radicaux et libéraux.

La fusion de 1995

Depuis les années soixante, en plus de la Chambre, il y avait la Fédération rurale vaudoise et le Service de vulgarisation agricole. Par la suite, une assurance de protection juridique et une fiduciaire ont été créées. Sous l’impulsion du président de la Chambre d’alors, Henri Mamin, il a été décidé de fusionner toutes ces organisations de service au monde agricole en une Association vaudoise de promotion des métiers de la terre, abrégée en Prométerre, actuellement présidée par Claude Baehler et dirigée par Luc Thomas.

Le Comité de l’association est formé de représentants de huit régions du Canton, soit les Alpes, la Broye, le Centre, le Chablais, le Jura, La Côte, le Nord vaudois et la Venoge. Sept personnes représentent les secteurs du lait, de la viande, des grandes cultures, de l’arboriculture, des cultures maraîchères et de la vigne et du vin, ainsi que de la formation professionnelle. Il est complété par la présidente de l’Association des paysannes vaudoises, le président du Groupe agricole du Grand conseil et la coprésidente du conseil de la vulgarisation agricole.

Une collaboration exemplaire avec l’Etat

L’impulsion donnée par Henri Blanc permet à la Chambre d’entretenir avec le Canton des relations étroites et fructueuses. De nombreuses tâches étatiques sont déléguées à la représentation paysanne qui les assure de façon économique et efficiente sans gonfler les effectifs de fonctionnaires. Lorsque le chef du service de l’agriculture André Desgraz quitte le poste qu’il a occupé de nombreuses années, on lui rend hommage en ces termes: «Sous prétexte d’aider, il ne faut pas asservir. Sous prétexte de légiférer, il ne faut pas annihiler l’initiative personnelle et professionnelle. Il importe, au contraire, d’accorder à l’agriculture et à ses organisations la plus grande liberté possible pour qu’elles puissent assumer leurs risques et leurs responsabilités et prendre des décisions qui les engagent.»

Et les bonnes relations avec les services étatiques font dire en 2015 au Conseiller d’État Philippe Leuba, en charge de l’économie: «Le premier mot qui me vient à l’esprit lorsque je pense à Prométerre est partenariat. En effet, la conduite de la politique agricole d’un canton ne peut, à l’instar de toute autre politique, être déconnectée des réalités du terrain. Grâce à l’appui que fournit cette association non seulement au Service de l’agriculture proprement dit, mais encore à l’ensemble de l’état-major du Département, nous pouvons construire dans ce secteur des politiques publiques cohérentes, réalistes, proactives et tournées directement vers les bénéficiaires… Cette logique de partenariat est la meilleure garantie d’une agriculture vivante, productive et profitable à tous.»

De vrais défenseurs du paysan vaudois et du fédéralisme

A plusieurs reprises, la Chambre n’a pas hésité à manifester son fédéralisme en prenant des positions originales, différentes de celle de l’Union suisse des paysans ou de l’Office fédéral de l’agriculture. A l’époque de la surproduction laitière, elle a publié plusieurs «mémoires» préconisant l’extension des cultures, la limitation des importations de fourrage plutôt que le contingentement laitier. Plus tard, elle s’est opposée farouchement à la généralisation des paiements directs au détriment de l’adaptation des prix des produits. Au début des années 1990, elle a dénoncé un dirigisme outrancier et soutenu l’autorité fédérale dans sa volonté de dérégulation.

Enfin, tout au long de son histoire, elle n’a cessé, en l’adaptant aux besoins du moment, d’élargir la palette des services et expertises à disposition des acteurs des différentes branches de l’agriculture.

C’est un plaisir de saluer une association économique centenaire qui a su garder son indépendance et son autonomie au service de professionnels qui en ont besoin, surtout s’ils ne représentent plus aujourd’hui que 3% de la population. Mais ce sont eux qui nous permettent de manger et de boire vaudois.

Notes:

1    Éditions Cabédita; www.cabedita.ch

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