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Enthousiasme opiniâtre

Félicien MonnierEditorial
La Nation n° 2215 2 décembre 2022

Un important volet de la question du million d’habitants promis pour 2044 est migratoire. Selon les projections moyennes de Statistiques Vaud, 5 000 étrangers viendront annuellement s’installer en Pays de Vaud. Cette immigration sera principalement européenne. L’Accord sur la libre circulation des personnes rend toutefois la Suisse tributaire des politiques de naturalisation de ses voisins, beaucoup moins strictes que les nôtres. On pense notamment au droit du sol appliqué en France. A ces chiffres, ajoutons ceux de l’immigration clandestine, par définition mal connus. La présence de certains migrants dans les rues et les transports publics accentue le sentiment que ces chiffres sont importants.

Les étrangers issus de pays défavorisés ont une natalité plus élevée que celle des Vaudois. La proportion de la population assimilatrice se réduit. Dans les crèches et les salles de classe, la diminution voire la disparition des noms vaudois et même confédérés peut inquiéter ceux qui en portent. Naît alors la crainte d’un effacement pur et simple.

Mais cet effacement n’est pas que quantitatif. La culture et les mœurs vaudoises s’effacent dans la tête des Vaudois eux-mêmes. Depuis 1945, l’Europe subit l’implantation massive d’une culture globalisée, d’influence américano-asiatique. Les réseaux sociaux et les smartphones la démultiplient. Tik-Tok est bien plus efficace que Time Magazine. Et le bubble-tea1 semble supplanter le Coca-Cola.

Comment affronter ces bouleversements?

Notre récent séminaire a montré que la marge de manœuvre réelle du Canton en matière démographique était presque inexistante. Les politiques migratoires sont principalement fédérales. Et les politiques natalistes sont bien hasardeuses.

Une approche est de nier la dimension culturelle du problème. Cette approche est technocratique. Elle se concentre sur la gestion des flux, financiers ou routiers, le «développement territorial», et le quotidien de l’administration. Le programme de législature 2022-2027 – évoqué par Jean-François Cavin dans le présent numéro – ne traite pas spécifiquement de l’intégration des étrangers. Il se contente d’évoquer de manière générale «l’intégration et la cohésion sociales». Cet aveuglement est incompréhensible et pour le moins inquiétant: la nouvelle majorité n’ose-t-elle pas voir le problème?

Le désintérêt de l’officialité pour la dimension culturelle du problème pourrait-il déboucher, au nom de l’égalité, sur une action de l’Etat contre les Vaudois soucieux de préserver leur identité?

Une autre approche se réjouit de cette progression démographique. Elle y voit une «chance» ou une «opportunité pleine de défis». Elle se réjouira de la croissance économique censée nécessairement l’accompagner, la voyant comme le seul indicateur de la santé d’une communauté. Cette tendance est la plus dangereuse, pouvant aller jusqu’à justifier l’effacement d’une culture au nom de la croissance.

Certains courants traditionnalistes préconisent une troisième approche, celle du communautarisme national, popularisé par Le pari bénédictin de l’Américain Rod Dreher. On exécuterait délibérément un repli identitaire et religieux, aux fins d’assurer la préservation et la renaissance ultérieure de notre culture. Pour mille motifs politiques, financiers, moraux sur lesquels nous reviendrons, ce survivalisme culturel est impensable.

Les solutions radicales, comme la fameuse «réémigration», conçue comme une inversion à brève échéance, de gré ou de force, des flux migratoires, nous semblent à ce point hors de la sphère des possibles qu’elles échappent au politique.

La vision de la Ligue vaudoise n’est ni optimiste, ni pessimiste, ni individualiste, ni civilisationnelle. Elle se concentre sur le Pays de Vaud conçu comme une communauté. Elle affirme sa responsabilité à l’égard de l’entier du territoire cantonal et de toute la population qui s’y trouve et exprime, à sa manière, un mode de vie commun à l’Occident.

Cette population, malgré l’aridité déprimante des chiffres de l’Etat, est encore composée de nombreuses personnes ancrées dans leur région, par leurs mœurs autant que par leurs relations personnelles. Des traditions se perpétuent collectivement avec une certaine vigueur.

Le cap à maintenir est celui de l’assimilation. C’est un long processus qui demande souvent plusieurs générations. Le riche tissu associatif qui fait le Canton – sur les plans économique, culturel, sportif – est plus efficace pour nouer des liens interpersonnels que les politiques publiques, le théâtre de rue antiraciste subventionné et les délégués à l’intégration bardés de diplômes. Là se trouve, pour qui souhaite s’investir, un riche espace.

L’hommage rendu à notre ami Pierre Rochat dans ces colonnes met en lumière ce qu’une personne discrète et opiniâtre est capable de construire, de transmettre et de préserver de notre identité et de nos institutions.

C’est ce même enthousiasme opiniâtre qui met la Ligue vaudoise au travail. En combattant la centralisation, elle assure au Canton de demeurer un lieu où l’autorité politique se déploie dans un cadre historique et géographique cohérent. Dans les Cahiers, La Nation ou ses vidéos, elle soutient ce qui contribue au bien commun. Elle y approfondit à long terme une doctrine politique originale qui fait partie intégrante du débat public vaudois et suisse. Dans la durée et au jour le jour, ses membres sont appelés à travailler le terreau culturel et institutionnel du Pays. Lui seul permet l’assimilation salvatrice.

Notes:

1   Le «thé aux perles», zh?nzh? n?ichá en chinois, est un mélange de thé et de lait, parfois parfumé, et additionné de perles de tapioca. Cette boisson originaire de Taiwan se boit généralement avec une paille. Contrairement aux adolescents lausannois, l’auteur de cet article ne trouve pas cela très bon.

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