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Le gymnase en quatre ans est-il illégal?

Antoine Rochat
La Nation n° 2231 14 juillet 2023

Depuis plusieurs mois, il a été souvent question des gymnases dans les colonnes de La Nation: M. Félicien Monnier y a consacré deux éditoriaux1, et M. Jean-Pierre Grin, conseiller national vaudois démocrate du centre, un article opposé au gymnase en quatre ans2. La Ligue vaudoise a pris une position analogue lors de la consultation fédérale3.

Il reste une question politique et juridique importante: le gymnase en quatre ans, que le Conseil fédéral va imposer à toute la Suisse par voie de simple ordonnance, est-il conforme à la Constitution, ou non?

L’interpellation Bauer

Le 9 mars 2023, M. Philippe Bauer, conseiller aux Etats neuchâtelois libéral-radical, a déposé une interpellation intitulée: Révision de l’ordonnance sur la reconnaissance des certificats de maturité gymnasiale. Constitutionnalité et base légale?

M. Bauer a d’abord rappelé la ferme opposition du Canton de Neuchâtel à l’article 9 du projet (durée minimale de quatre ans du cursus), considérant que la base légale invoquée pour imposer cette durée est erronée et viole l’autonomie des cantons.

Le sénateur neuchâtelois s’interroge ensuite sur la constitutionnalité de la mesure. L’article 62 alinéa 4 de la Constitution fédérale4 concerne uniquement la scolarité obligatoire, dans une disposition consacrée à l’instruction publique, qui est une compétence cantonale5.

M. Bauer rappelle en outre que, selon la Constitution fédérale, toutes les dispositions importantes qui fixent des règles de droit doivent être édictées sous la forme d’une loi fédérale.6

Enfin, l’interpellateur pose une série de questions, dont celle-ci: Si le Conseil fédéral envisage bien d’intervenir dans cette sphère de compétence, comment justifie-t-il de ne pas adopter une base légale formelle en bafouant ainsi la souveraineté des cantons, des groupes sociaux, du peuple et le processus démocratique garanti par l’article 164 de la Constitution fédérale?

La réponse du Conseil fédéral

Le 10 mai 2023, le Conseil fédéral a répondu à l’interpellation de M. Bauer. Selon l’exécutif, la Confédération prétend imposer le gymnase en quatre ans, en se fondant sur les compétences fédérales dans le domaine des écoles polytechniques et des hautes écoles7, ainsi que dans celui des soins médicaux de base8.

Par ailleurs, le Conseil fédéral dit agir en concertation avec les cantons, dans le cadre de la «Conférence des directrices et directeurs cantonaux de l’instruction publique (CDIP)».

Enfin, l’exécutif fédéral se dit conscient qu’une adaptation de la durée de la formation gymnasiale aura des conséquences tant financières qu’organisationnelles pour les cantons concernés, à savoir Berne, Jura, Neuchâtel et Vaud, mais cela ne modifie en rien sa volonté d’aller de l’avant. La seule concession aux cantons en question serait un allongement du délai transitoire pour l’entrée en vigueur des nouvelles normes.

Conclusions

Nous partageons les interrogations de M. Bauer. Les bases constitutionnelles invoquées par le Conseil fédéral sont plus que douteuses, et le passage du gymnase en quatre ans aurait dû figurer dans une loi fédérale, soumise au référendum facultatif, et non pas dans une simple ordonnance du Conseil fédéral.

Sur le plan juridique, il reste une voie possible, mais étroite, celle du recours en matière de droit public au Tribunal fédéral contre une décision appliquant l’ordonnance en question. On ne peut en effet attaquer directement une norme fédérale au motif qu’elle est anticonstitutionnelle.

Le Conseil d’Etat de la République et Canton du Jura a dit dans un communiqué officiel qu’il envisageait une telle démarche9. Le cas échéant, la Ligue vaudoise serait prête à la soutenir.

Notes:

1   Félicien Monnier, «Gymnases, une réponse insuffisante», La Nation n° 2212 du 21 octobre 2022; «Trop de gymnasiens», La Nation n° 2230 du 30 juin 2023.

2   Jean-Pierre Grin, «Le gymnase en quatre ans», La Nation n° 2214 du 18 novembre 2022.

3   https://www.ligue-vaudoise.ch/actualites/586

4   Art. 62 al. 4 Cst. féd.: Si les efforts de coordination n’aboutissent pas à une harmonisation de l’instruction publique concernant la scolarité obligatoire, l’âge de l’entrée à l’école, la durée et les objectifs des niveaux d’enseignement et le passage de l’un à l’autre, ainsi que la reconnaissance des diplômes, la Confédération légifère dans la mesure nécessaire.

5   Art. 62 al. 1 Cst. féd.: L’instruction publique est du ressort des cantons.

6   Art. 164 al. 1 Cst. féd.

7   Art. 63a al. 1 Cst. féd.

8   Art. 117a al. 2 lettre a Cst. féd.

9   Communiqué du Gouvernement jurassien du 28 juin 2023: Adoption du nouveau règlement sur la reconnaissance des certificats de maturité gymnasiale.

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