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Emojis dominants contre émojis dominés

Le Ronchon
La Nation n° 2243 29 décembre 2023

Ne croyez pas tout ce que vous lisez sur les réseaux sociaux! Méfiez-vous des courriels que vous recevez! Ces mises en garde sont utiles face à la naïveté et à la crédulité du citoyen moyen confronté au foisonnement moderne de fausses nouvelles et d’arnaques à peine dissimulées. Mais songe-t-on assez à adopter la même prudence à l’égard des archives issues du monde d’autrefois, moins effréné et moins numérique? Il le faut, car même les personnes les plus méfiantes face aux pièges contemporains risquent, l’espace d’un instant, de se laisser abuser.

Après la récente recomposition du Conseil fédéral, la presse s’est une nouvelle fois gargarisée de l’obsolescence et de la fragilité de la fameuse «formule magique» (2 UDC, 2 PLR, 1 Centre et 2 PS). Le thème n’est pas très nouveau et cela nous a donné l’envie d’ouvrir le Scriptorium, cette fantastique archive en ligne de la presse vaudoise mise à disposition par la Bibliothèque cantonale universitaire. Nous y avons retrouvé un florilège d’anciens articles des années nonante et deux mille, annonçant la fin proche de ladite formule magique, sous la plume d’éditorialistes pourtant disparus bien avant elle.

Mais la véritable perle sur laquelle nous sommes tombé figure dans l’édition du 27 juin 1992 de l’hebdomadaire Domaine Public (lui aussi disparu). Une page complète est consacrée aux propositions de réformes constitutionnelles développées par le regretté François Masnata et le regrettable Jean Ziegler (qui est tout de même, à l’heure où nous écrivons, le seul de cette histoire à avoir survécu). Et c’est là que nous nous sommes fait avoir: ayant entamé la lecture de ces indigestes propositions, nous avons mis plusieurs minutes à réaliser qu’il s’agissait d’une parodie!

Lorsque le professeur Masnata explique que «la formule magique […] permet aux Dominants de rester ce qu’ils sont», puisqu’ «il faut redonner la parole aux Dominés et, pour cela, renoncer à un système représentatif en paralysant de l’intérieur le système basé sur la pseudo-démocratie dite semi-directe», rien ne nous permet de penser qu’il ne s’agit pas d’un authentique charabia du grand ponte de la Faculté des sciences politiques. C’est lorsque nous avons lu la suite – un parlement à trois chambres, la première élue à la proportionnelle et sans aucun pouvoir, la seconde élue à la proportionnelle inversée (sont élus ceux qui ont le moins de voix) «afin de brouiller les cartes», et la troisième dont les membres seraient choisis «parmi les Dominés, c’est-à-dire les sans-parti, les sans-grade, les professeurs d’université, les vrais révolutionnaires» – que nous nous sommes esclaffé.

Quoique, au moment de rédiger ces lignes, nous hésitons encore: s’agissait-il bien d’un pastiche, ou les énergumènes de l’époque auraient-ils été capables d’envisager cela sérieusement?

Le doute est parfois permis – à plus forte raison dans les temps actuels où la réalité dépasse souvent la parodie. Voyez cette étude très sérieusement relayée sur le site internet de la Radio-télévision d’Etat: «Moins de chats, plus de crustacés, des scientifiques veulent davantage de biodiversité dans les emojis.» L’article, paru dans la revue américaine iScience, affirme que le panel actuel des pictogrammes ponctuant nos messages électroniques, déjà élargi à toutes les «minorités» raciales ou sexuelles, ne représente pas encore assez équitablement la biodiversité; les vertébrés y seraient surreprésentés par rapport aux autres animaux, et les plantes, les champignons et les micro-organismes y seraient sous-représentés.

Emojis dominants contre émojis dominés: fake ou pas fake?

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