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L’inefficace initiative antivax

Olivier Delacrétaz
La Nation n° 2253 17 mai 2024

L’alinéa 2 de l’article 10 de la Constitution fédérale prévoit que tout être humain a droit à la liberté personnelle, notamment à l’intégrité physique et psychique. Ce droit n’est pas un absolu. Il s’inscrit dans le cadre général de l’ordre public et l’article 36 prévoit des possibilités de le restreindre. Ces restrictions doivent certes être fondées sur une base légale, justifiées par un intérêt public et proportionnées au but visé, mais le gouvernement peut passer outre en cas de danger sérieux, direct et imminent.

L’initiative «Pour la liberté et l’intégrité physique» fut lancée le 1er décembre 2020, quelques mois après la décision du Conseil fédéral de décréter, face au Covid, un état de situation extraordinaire. Elle ajoute un alinéa 2bis à l’article 10 précité, qui introduit la notion de consentement personnel.

Son texte est le suivant: Les atteintes à l’intégrité physique ou psychique d’une personne requièrent son consentement. Si la personne concernée refuse de donner son consentement, elle ne doit ni se voir infliger une peine, ni subir de préjudices sociaux ou professionnels. L’initiative prévoit en outre que l’Assemblée fédérale dispose d’un an pour voter les disposition concrètes d’exécution, faute de quoi, le Conseil fédéral agira directement par voie d’ordonnance (non soumise au référendum). L’initiative a recueilli 125’015 signatures. Nous voterons le 9 juin prochain.

Il est bien certain que notre intégrité physique et psychique a été durement atteinte durant la période Covid. La population a subi d’importants préjudices sociaux et professionnels. Les non-vaccinés se trouvèrent de surcroît mis au ban, parfois au pilori de la société vaccinée. Certains esprits libres ou libertaires s’en indignèrent, lancèrent et firent largement aboutir une initiative destinée à empêcher ces dérives.

La récolte des signatures a sans doute profité d’une méfiance croissante de la population face à un pouvoir qui s’ingère toujours plus dans nos vies, à une force d’intervention (task force) parfois manipulatrice, à des médecins jugés trop dociles face à l’Etat et à des multinationales pharmaceutiques trop préoccupées par leurs intérêts financiers.

Il est vrai encore que le Conseil fédéral n’a pas fait tout juste. On pense notamment aux abus du confinement dans les établissements médico-sociaux, dont certains sont allés jusqu’à interdire l’ultime visite à des mourants. Mais quoi qu’on pense de la politique du Conseil fédéral, c’est un fait que la lutte contre les épidémies et les pandémies a été, dès les temps anciens, du ressort des autorités politiques. L’action des seuls individus est insuffisante. Il était donc juste, sur le principe, que le Conseil fédéral, avec l’accord des cantons, prenne des mesures sanitaires générales. Et il était juste que ces mesures soient contraignantes.

Comme on le sait, les intentions des auteurs d’une initiative sont sans portée juridique: seul compte le texte sur lequel on vote. Or, les arguments médico-politiques qui sont à l’origine de l’initiative et inspirent l’essentiel de sa propagande n’apparaissent pas dans le texte constitutionnel proposé. L’initiative concerne donc non seulement la politique sanitaire, mais aussi la défense nationale, la police, les tribunaux et toutes les institutions coercitives, non seulement sur le plan fédéral, mais aussi sur le plan des cantons.

En ce sens, ne donner qu’une année au parlement fédéral pour rédiger et voter les innombrables dispositions d’application nécessaires n’a aucun sens.

L’initiative propose une vision de la société où l’individu citoyen est entièrement libre et ne se soumet qu’à ses propres décisions. Mais elle ne biffe pas l’article 36 et ses restrictions, et la nouvelle disposition y sera soumise, ni plus ni moins que les autres droits fondamentaux. Dès lors, une acceptation du souverain serait sans effet. Elle chargerait simplement la Constitution fédérale d’un alinéa lourd de promesses intenables. Nous voterons donc non.

Nous croyons qu’on respecte mieux l’esprit des auteurs de l’initiative en combattant les autorités chaque fois que, invoquant abusivement l’urgence et la nécessité, elles s’en prennent aux souverainetés cantonales, aux autonomies communales et aux libertés individuelles. Et ce combat commence par un refus sec et sonnant de la «loi pour l’électricité», mieux connue sous le nom infamant de Mantelerlass.

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