Friedrich Gulda, sublime et farceur
Au Week-end musical de Pully, le Concerto pour violoncelle de Friedrich Gulda a été magnifiquement interprété par le soliste Bryan Cheng, accompagné par les souffleurs de l’Orchestre de la HEMU dirigé par Raphaël Jousse. Cette œuvre est hilarante. Elle s’ouvre sur un vigoureux motif du violoncelle, qui ne tarde pas à se muer en un jazz entraînant, balancé plus tard par une suave mélodie d’un léger kitsch bien assumé. Une Idylle nous charme de sa ligne chantante et bien développée. La Cadenza qui fait suite, très virtuose, caricature tous les poncifs de la musique moderne plus ou moins atonale. Puis le Minuett est d’une parfaite courtoisie XVIIIe, mais interrompu par un trio gavroche. Enfin, le Finale alla marcia a la robuste épaisseur d’une fanfare villageoise, enrubannée des traits virevoltants, en doubles croches, de l’instrument soliste. Accueil triomphal.
Friedrich Gulda, qui a beaucoup composé mais qu’on joue trop rarement, était un tout grand pianiste, en même temps qu’un personnage hors norme. Le pianiste: un mozartien sublime, alliant la transparence à la fermeté du jeu, la pulsion nerveuse à la grâce du chant. Un interprète aussi remarquable de Beethoven; c’est le seul qui ait réussi à me faire apprécier sans lassitude l’interminable mouvement lent de la sonate Hammerklavier. Mais il n’était pas rare que ses concerts, voués aux œuvres classiques jusqu’à l’entracte, passent au jazz pour la suite du programme; Gulda en était friand et improvisait magistralement. Il était encore un pionnier dans le contact avec le public; aujourd’hui, il est courant que le chef ou le soliste s’adresse à l’auditoire pour commenter le morceau qui va suivre. Il y a cinquante ans, cette pratique n’existait pas… sauf avec Gulda. Il me souvient d’un concert Mozart du dimanche matin, au Theater an der Wien, durant l’hiver 1966, où l’artiste présentait, plaisantait, discutait. Et il était vêtu d’un pull à col roulé. C’est l’amour de la musique – de toutes les musiques – qui comptait.
Au sommaire de cette même édition de La Nation:
- Deux initiatives électoralistes sur les coûts de la santé – Editorial, Félicien Monnier
- Gustave Doret par Antonin Scherrer – Frédéric Monnier
- Multiples dépossessions – Lionel Hort
- L’inefficace initiative antivax – Olivier Delacrétaz
- Définir la souveraineté monétaire – Benjamin Ansermet
- Occident express 123 – David Laufer
- Au-delà de la république des juges – Olivier Klunge
- Des pommes, des poires et des places d’apprentissage – Le Coin du Ronchon