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Jeunes et traditionnels, festifs et sérieux

Olivier DelacrétazEditorial
La Nation n° 2013 6 mars 2015

La Fédération vaudoise des Jeunesses campagnardes, 1600 membres répartis en 160 sections, a mandaté l’Institut fédéral des hautes études en formation professionnelle (IFFP) pour réaliser une étude sur elle-même et les qualités qu’elle permet à ses membres de développer. 24 heures1 a judicieusement consacré une pleine page à cette étude qui vient de paraître2.

Les gens de l’IFFP avouent en introduction avoir eux-mêmes partagé les préjugés qui courent ordinairement sur les Jeunesses, notamment quant à leur contribution vigoureuse à l’élimination de nos surplus viti-vinicoles. Un jugement objectif ne permet pas de dissiper entièrement ledit préjugé, mais il en diminue beaucoup l’importance en regard de l’engagement demandé, librement consenti et couronné de belles réussites.

Lors de la création de la Société de Jeunesse d’Essertes, il y a une quinzaine d’années, j’avais déjà pu noter cet assemblage unique qui explique sans doute la longévité et le succès renouvelé de l’institution cantonale: un engagement de chacun envers tous, qui rend attentif et discipliné le plus écervelé d’entre eux, et une capacité à peu près illimitée de faire la fête.

Les membres des Jeunesses, filles et garçons, se chargent de lourdes responsabilités dans les domaines les plus divers: mettre sur pied une candidature pour l’organisation d’un giron, par exemple, ce qui comprend non seulement une présentation de la demande à la commune et à la «Fédé», mais aussi la négociation avec les propriétaires des terrains et surtout un effort de marketing (films, prospectus) et de lobbying de plusieurs années; traiter avec des fournisseurs professionnels; organiser la décoration, les joutes sportives, la circulation et le parcage des voitures, la subsistance, l’animation durant les moments creux; assurer la sécurité (les bagarres sont rares, les vols aussi); maîtriser des questions techniques de niveau professionnel, la construction des cantines, immenses tentes ou abris en dur, les sanitaires, le chauffage, la conservation des marchandises, l’ordre et la propreté, l’évacuation des déchets, la remise en ordre des terrains occupés (cette opération a duré à peu près deux mois pour le dernier giron organisé par la Jeunesse de Vers-chez-les-Blanc).

Dans tout cela, ils doivent apprendre à travailler en équipe, à prendre des décisions, à accepter les compromis et à plier leur intérêt particulier à l’intérêt général.

«Beaucoup d’entreprises pourraient s’inspirer du fonctionnement des sociétés de jeunesse», déclare l’une des responsables de l’IFFP, Mme Janine Voit. L’étude visait effectivement à mettre en valeur l’utilité pour un employeur des compétences développées par les membres des Jeunesses. Cette utilité saute aux yeux. Souhaitons qu’elle ne devienne pas un but en soi, mais reste un simple bénéfice collatéral de la riche vie de la Fédération.

Les prises de responsabilités financières sont particulièrement impressionnantes: ces jeunes, encore aux études, apprentis ou pourvus d’un CFC tout frais, sont amenés à gérer des budgets de plusieurs dizaines de milliers de francs, voire de plusieurs centaines, comme lors de ces fameuses Cantonales qui, tous les cinq ans, drainent d’innombrables jeunes dans un coin du pays aménagé à cet effet.

Les Cantonales: Mathod (deux fois), Le Mont-sur-Lausanne, Froideville, Cuarnens, Arnex-sur-Orbe, Puidoux, La Chaux, Bretigny-sur-Morrens, Mézières, La Vallée de Joux, Thierrens, Bavois, Colombier-sur-Morges. Ni grandes villes, ni chefs-lieux, chacune de ces localités aura été, durant trois semaines, le centre du Canton, le centre du monde. Certains jeunes organisent leurs vacances de façon à être présents l’entier de la fête. C’est chaque fois plus grand. Gageons cependant qu’en bons caissiers, soucieux de rester dans les chiffres noirs garants de leur autonomie, ils sauront éviter la démesure.

Les Jeunesses, ce sont aussi les tambours du Nouvel-An qui souhaitent la bonne année aux habitants, version moderne des charivaris d’autrefois. C’est encore la collaboration avec d’autres manifestations locales ou régionales. Ainsi de la levée des danses lors de certaines abbayes, moment hors du monde où des demoiselles en robe longue, et des messieurs en complet et gants blancs exécutent des marches, des valses, des polkas et des mazurkas longuement exercées… et virevoltent autour du drapeau de la société organisatrice, du porte-drapeau immobile et des demoiselles d’honneur.

Les Jeunesses osent s’attaquer à ces montagnes de problèmes parce qu’elles peuvent compter sur le soutien des anciens (il faut voir ces adultes de bonne volonté obéir sans rechigner aux ordres de leurs jeunes chefs de chantier!), mais aussi parce que, de volée en volée, elles prennent un train déjà lancé. N’ayant pas besoin de réinventer la roue, chaque section profite d’une somme colossale d’expériences, tout en s’adaptant aux nouvelles normes et en apportant son propre écot à l’effort commun. C’est, en son sens le plus riche, une tradition. Dans les Jeunesses, la tradition est si vivante, mélange naturel de coutume et de spontanéité, qu’il n’y a même pas besoin de la formuler.

Il y a tous les ans, sauf les années de Cantonale, quatre girons, correspondant aux quatre régions de la Broye, du Nord, du Centre et du Pied du Jura. La Jeunesse d’Essertes organisera-t-elle le giron de la Broye en 2016? Réponse en août.

Notes:

1 «Les entreprises pourraient s’inspirer des Jeunesses», Sylvain Muller, 24 heures du 20 février.

2 On la trouve sur le site www.fvjc.ch.

Corrigenda dans Nation 2014:

En ce qui concerne les effectifs des Jeunesses campagnardes vaudoises, nous avions mal transcrit les chiffres tirés de leur site: ce n’était pas 1600 membres, mais 6000 qu’il fallait lire.

Ces chiffres sont d’ailleurs également caducs, puisque la FVJC compte aujourd’hui 8118 membres répartis en 206 sections.

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