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Occident Express 33

David Laufer
La Nation n° 2125 21 juin 2019

Non loin de chez moi, une gitoune à fast-food s’est installée, à l’enseigne de Vladimir Poutine. Si vous déambulez le long de l’avenue principale, on vous y proposera des tasses et des tshirts à l’effigie du grand Vladimir. Sa visite, en janvier, a suscité un enthousiasme sincère, même si le gouvernement serbe y a largement contribué en affrétant 700 autobus pour ameuter les campagnes à la rencontre du tsar de toutes les Russies. Une foule d’environ 100’000 personnes a défilé dans un calme bonhomme pour le voir sortir de l’église Saint-Sava et l’acclamer comme un pape. Saisissant un micro, manifestement surpris, il n’a su que s’exclamer en serbe: «Merci pour votre amitié!» Ce qui a laissé les adorateurs un peu sur leur faim, mais quoi, il est venu, ils l’ont vu et tous ensemble ils ont communié dans cet idéal – très hypothétique – de l’amitié slave orthodoxe. Ce que les Serbes aiment chez Poutine, c’est avant tout sa résistance au capitalisme conquérant, son armée qui reste la seule à pouvoir défier l’étasunienne, sa main de fer dans ses affaires intérieures, son indépendance par rapport à l’Occident. Et bien évidemment sa non-reconnaissance de l’indépendance du Kosovo. On peut comprendre ce penchant. Mais il se manifeste avec une ardeur servile qui me fait honte. Ses sympathisants s’aplatissent devant Poutine, ils en font un thaumaturge, en bref ils perdent devant lui toute mesure, toute dignité, tout ce qui fait que je peux moi-même aimer ce peuple immodérément. Ils révèlent ainsi leur propension à la dictature, au règne violent et sans partage d’un seul qui, contrairement à Caligula, pourrait déclarer: qu’ils me craignent, ils m’adoreront d’autant plus. Une seule attitude m’exaspère encore plus que cette servilité, c’est la bêtise de l’Occident face à Poutine. L’histoire nous apprend que, depuis bien avant Napoléon, les Européens ont tout fait pour conquérir, pour détruire et pour exploiter l’immense Russie. Il est exact que les Bolchéviques ont massacré leur propre peuple, comme quelques tsars avant eux. Mais ce sont surtout les Allemands qui s’y sont livrés à des carnages qui devraient leur ôter tout droit à la souveraineté pour des siècles. Par une étrange distorsion de la perception, c’est néanmoins l’inexistant impérialisme russe qu’on nous demande de craindre. Poutine serait un nouvel Hitler, un nouvel Attila. Peu importe son réel soutien populaire, il est un dictateur. Peu importe que l’OTAN vienne le provoquer, en rupture de tous les traités en vigueur, dans des territoires historiquement russes, Poutine est un provocateur et un va-t-en-guerre. Que cet homme suscite tant de passions m’échappe. Sans doute la Russie ne pourra-t-elle jamais produire autre chose que des excès.

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