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Le service public et la crise

Olivier Klunge
La Nation n° 2151 19 juin 2020

Le service public est «le meilleur outil pour affronter une crise.»1 C’est, selon une campagne de la gauche syndicale, ce que l’épidémie du coronavirus aurait démontré, avec naturellement la nécessité d’un «renoncement à toute forme de programme d’économie ou d’austérité» et une «revalorisation des professionnel-le-s», revalorisation signifiant en fait une augmentation des salaires2.

Il s’agit d’une des nombreuses tentatives de récupération que nous observons à la sortie du confinement. Certes, il est indéniable que certains services publics ont montré leur solidité et le dévouement des fonctionnaires. On pense en particulier aux services de voirie, d’entretien des réseaux ou des services de santé.

Si l’engagement du personnel des hôpitaux publics a impressionné, celui des cabinets libéraux comme des EMS privés n’a pas non plus démérité sans attendre que l’Etat ne lui prescrive des protections ou des instructions. La fourniture de denrées de première nécessité a été assurée de manière constante par les agriculteurs, les commerçants indépendants et les employés de la grande distribution, sans intervention étatique particulière.

Dans l’éducation, les écoles privées (par nécessité de justifier les importants écolages consentis par les parents) ont réagi plus rapidement et mieux que l’école publique (sous réserve de l’initiative personnelle de plusieurs enseignants). Certains services publics ont simplement fermé ou très fortement diminué leur activité sans grand égard pour les usagers. Le Service des automobiles SAN a fermé ses guichets durant sept semaines. Le Service de la population, qui n’a pourtant pas été désigné comme un vecteur important de contamination, n’est aujourd’hui encore ouvert que deux heures par jour, y compris par téléphone.

Il est donc arbitraire de prétendre que le service public aurait mieux réagi à la crise que l’économie privée. Nous partageons cependant l’analyse de l’USS lorsqu’elle affirme que «face à l’urgence et à la situation exceptionnelle, seule une organisation qui ne repose pas sur la concurrence, mais sur la coordination, est à même de réagir dans le sens de l’intérêt public.» En se libérant d’une idéologie libérale ou collectiviste, on réalise que l’administration étatique n’est pas la seule réponse à la jungle du marché. Beaucoup d’indépendants, de paysans, de commerçants et d’entreprises ont un grand respect de leur rôle social. Les associations professionnelles et syndicales, les commissions paritaires, les organismes d’autorégulation sont capables, avec pragmatisme, de coordonner l’économie et d’encourager la coopération en vue de l’intérêt général. L’Etat doit jouer un rôle de régulateur et d’arbitre. Il le fera d’autant mieux s’il respecte les besoins, l’autonomie et les initiatives des branches économiques concernées.

Si l’Etat, au niveau fédéral comme cantonal, n’avait pas été aussi impliqué comme acteur de l’économie de la santé, il aurait peut-être eu le courage d’imposer aux hôpitaux et pharmacies de conserver des stocks suffisants de masques, gants et gel de protection, comme il le fait pour le pétrole ou la nourriture.

Une économie au service du bien commun a besoin d’un Etat qui n’est ni absent, ni omniprésent, mais qui accomplit, avec qualité et efficacité, les activités relevant de son rôle: tâches régaliennes, de régulation, de surveillance, de gestion des réseaux monopolistiques. C’est là le service public.

Notes:

1  Tribune de Dora Fuentes dans 24 heures du 11 juin 2020.

2  Cf. communiqué de l’Union syndicale suisse du 5 juin 2020.

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