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De l'opportunité de l'indéboulonnabilité

Le Coin du Ronchon
La Nation n° 1891 18 juin 2010
Notre dernier otage en Libye vient d'être libéré et nos journalistes vont donc perdre un sujet qui les a passionné tout au long de ces derniers mois. Mais avant de passer enfin à autre chose, nous avons encore droit à un grandiose «bouquet final» qui, durant quelques jours, nous inonde de dépêches de presse répétitives, d'éditoriaux émus, de commentaires savants, de jugements définitifs. Des professionnels aux simples particuliers, tout le monde donne son avis. Beaucoup sont contre Kadhafi, quelques uns sont contre la police genevoise, certains sont contre la Suisse, d'autres sont contre les banques ou les sociétés pétrolières, d'autres encore sont contre leurs préopinants, mais tous ou presque semblent d'accord pour réclamer à grands cris la démission d'un ou deux conseillers fédéraux. Pour l'exemple. Pour leur apprendre. Pour que des têtes tombent afin de calmer le désir de vengeance de la populace.

Eh bien nous ne partageons pas ce point de vue.

Soyons clair: nous n'avons pas d'objection particulière à ce que Mme Calmy-Rey démissionne. Mais nous désapprouvons le principe voulant qu'on exige le départ d'un conseiller fédéral – ou de quelque autre politicien – à chaque fois qu'une affaire politique se passe mal. Ce n'est pas ainsi que l'on résout un problème – si problème il y a.

S'il n'y a aucune faute dudit politicien, réclamer sa tête est une mesquinerie ignoble. S'il y a faute, il faut se souvenir que même des personnes compétentes peuvent commettre une faute; elles en retiennent généralement une leçon pour la suite et deviennent alors encore plus compétentes. On nous dira que les politiciens, et à plus forte raison les conseillers fédéraux, sont rarement compétents – «tous des pinkelis!», disent certains. Mais on devrait alors exiger leur démission avant qu'ils ne commettent des bourdes, et non après. Lorsqu'ils ont commis une bourde, on devrait au contraire exiger qu'ils restent à leur poste afin de réparer les dégâts. Peut-être s'amélioreront-ils ainsi.

Le fond du problème est que si les politiciens déméritants devaient toujours démissionner, nous aurions des élections tous les dimanches. Et qu'il est un peu facile de charger les membres d'un gouvernement de tous les maux alors que c'est la population dans son ensemble qui manque aujourd'hui d'intelligence, de perspicacité, d'assurance, de courage. L'immense majorité de ceux qui réclament aujourd'hui la démission de tel ou tel conseiller fédéral ne sont pas plus compétents et disent cela sans réfléchir, juste pour répéter ce que tout le monde dit; c'est petit, inélégant, énervant. De plus, la sagesse populaire sait qu'«un tiens vaut mieux que deux tu l'auras»; qu'avec un mauvais conseiller fédéral, «au moins on sait ce qu'on a»; et qu'en voulant le remplacer, on risque très souvent de tomber sur pire que lui.

Donc, dans le doute, non au changement!

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