Conversations pastorales
Paul Bastian, qui naquit en 1920 dans un Lutry qui était encore un petit village de pêcheurs, n’est pas l’homme des exposés théologiques arides ou de l’évangélisation des masses. Pour lui «c’est dans l’accueil, l’hospitalité, le partage des choses bonnes, que Dieu est présent joyeusement et de manière discrète». C’est l’homme de la Parole, d’une Parole de Dieu révélée dans la Bible, mais actualisée dans chaque sermon (qu’il donne encore régulièrement le dimanche soir à St-Jean-de-Cour, à Lausanne), dans chaque rencontre où il sait s’adapter à son interlocuteur. Ceux qui le connaissent bien regretteront dans ce livre la perte de saveurs, de vigueur, qu’impose le passage à l’écrit par rapport à la verve du discours.
Comment un jeune homme admiratif du pasteur Jules Amiguet a-t-il vécu vingt-cinq ans dans un pays camisard? Comment, membre d’Eglise et Liturgie et promoteur actif de l’oecuménisme, a-til pu être pendant seize ans ministre dans un Payerne alors très anticatholique? Pourquoi, à l’âge de la retraite, assumer des suffragances, à Yverdon, à la Tourde- Peilz, à Pully, à Grandvaux et aussi à la Cathédrale? Pourquoi, à passé 80 ans, animer encore des retraites de jeunes gens? Deux convictions y répondent, comme Paul Bastian nous le révèle dans son ouvrage: «Je crois pouvoir le dire en toute humilité, que je n’ai été “que” pasteur, que je suis encore pasteur, et que je le serai jusque dans l’éternité.» Cette fidélité à l’Eglise et au ministère n’est possible que par la confiance qu’il témoigne à l’Eglise de Christ: «Ce que Dieu attend de son Eglise c’est d’être sans complexe, sans peur, une Eglise confessante, avec pour devise: fermeté doctrinale et ouverture de coeur.»
Il est admirable que, dans ce livre écrit au soir de sa vie et que Paul Bastian nomme lui-même son testament spirituel, on ne trouve nulle rancoeur, nulle nostalgie d’un âge d’or de l’Eglise dont le vieux pasteur nous dit de nous méfier. On y trouve surtout une confiance, une foi dans le Christ qui va sauver son Eglise, quelles que soient les imperfections et les fausses voies dans lesquelles elle peut s’engager ici ou là et ceci sans nier les difficultés que l’Eglise rencontre dans un monde largement déchristianisé.
Bref, ce livre est à mettre entre toutes les mains qui pourraient profiter de se frotter à la personnalité de ce roc de l’Eglise vaudoise resté ferme dans les tempêtes personnelles ou ecclésiales; à la confiance qu’il témoigne au Christ et à son Eglise dans la fidélité à sa Parole révélée dans la Bible et actualisée par notre quotidien; à sa conception du ministère pastoral, exigeante, mais nourrissante. Car, selon une formule que le pasteur Bastian emprunte à Anne-Marie Schmidt: «Le calviniste vit de la grâce gratuite et gracieuse de Dieu et consume sa vie dans l’action de grâces.»
NOTES:
1 Editions Cabédita, 104 pages, commandes: Pasteur Bertrand de Félice, La cure, 1268 Burtigny.
Au sommaire de cette même édition de La Nation:
- La responsabilité sociale des entreprises – Editorial, Olivier Delacrétaz
- (Re)lire La légende du football de Georges Haldas – Lars Klawonn
- La paix, vite! – Revue de presse, Philippe Ramelet
- Enseignants ou éducateurs? – Revue de presse, Philippe Ramelet
- Au chevet de la Suisse multilingue – Revue de presse, Ernest Jomini
- † Jean Delacrétaz – Jean-François Cavin
- La politique des transports en Suisse – Antoine Rochat
- Deux tendances – Nicolas de Araujo
- «Les droits, les droits, toujours les droits» – Revue de presse, Ernest Jomini
- De l'opportunité de l'indéboulonnabilité – Le Coin du Ronchon