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D’Evreux à Cossonay

Daniel Laufer
La Nation n° 1902 19 novembre 2010
La Nation pourrait consacrer une chronique régulière aux seules orgues du Canton de Vaud dans leurs diverses phases de projet, de conception, de réalisation, de restauration, d’inauguration… et d’accompagnement, sans parler même de cette phase décisive qu’est la recherche de fonds. C’est toute une économie qui est en jeu, tout un monde d’artistes et d’artisans qui non seulement créent et touchent de nouveaux instruments, mais qui les restaurent, les relèvent (comme on dit dans le métier) et les copient même, au-delà des frontières. Les belles orgues de la cathédrale ont bien été construites par le facteur américain Fisk, mais c’est l’entreprise valaisanne Füglister qui a construit à Grimisuat les orgues de l’église réformée de Kagoshima au Japon (mais aussi le nouvel orgue du Prieuré à Pully et celui du Sacré-Coeur à Lausanne), comme Cavaillé-Coll celles du Sanctuaire de Saint-Ignace de Loyola en pays basque, ou le Saint-Gallois Simon Scherrer l’admirable orgue à quatre claviers de Saint-Antoine-l’Abbaye en Isère, ou encore MM. Saby en Isère et Grenzing près de Barcelone le petit orgue de la paroisse Saint-Joseph à Malley, pour ne citer que quelques exemples entre mille autres. Nous ignorons s’il existe un registre européen des facteurs d’orgues, dont la plupart sont inconnus du grand public, comme sont inconnues les milliers de partitions d’organistes qui ont laissé, presque anonymes, les oeuvres, et parfois des chefs-d’oeuvre, qu’ils ont souvent commencé par improviser. Si c’est le cas, ce registre devrait comprendre le nom de Bernard Cattiaux, en Corrèze, non pas seulement parce qu’on lui doit la restauration des grandes orgues de Notre-Dame de Paris ou celles de la Collégiale de Saint-Ursanne, mais parce qu’il a découvert dans les réserves du Musée d’Evreux (Eure) un petit orgue, dit de table, dont on ignore le facteur, mais qui a été remarquablement restauré au début du XVIIe siècle par le facteur flamand Languedul. Le Corrézien s’en est inspiré pour réaliser le ravissant orgue de choeur du temple de Cossonay. il est assez extraordinaire qu’on trouve aujourd’hui dans cette belle église un instrument aussi insolite. Voyez plutôt: un seul clavier de quarante-cinq touches, sept registres, donc à peine plus que trois cents tuyaux, un tempérament mésotonique (pour faire court: selon la gamme pythagoricienne, donc non tempérée), une soufflerie électrique mais qui peut être manoeuvrée manuellement grâce aux deux courroies de cuir qui actionnent les soufflets, le tout dans un buffet de merisier dont les élégantes sculptures évoquent déjà les musiques du seizième siècle; en un mot, un bijou d’orgue dans un plus bel écrin. Au dernier dimanche d’octobre, Pierre-Alain Clerc, talentueux expert, nous a fait découvrir et l’instrument et les oeuvres exquises de Claudin de Sermisy ou d’anonymes espagnols, de l’Andalou Bermudo ou de Correa de Arauxo, pour ne citer que les moins connus. Un régal, dans une église comble et comblée.

Les habitants de Cossonay ont vraiment beaucoup de chance, et on leur en souhaite autant dans la réalisation – à venir – de leur grand orgue.

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