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Tout est permis aux écolos

Jean-François Cavin
La Nation n° 1902 19 novembre 2010
Les adeptes des énergies renouvelables sont au-dessus des lois. Ils se croient tout permis, car la fin justifie les moyens; et la fin, c’est le sauvetage de la Planète. En regard de ce programme primordial et visionnaire, que valent les vulgaires règles ordonnant la vie de chaque jour, de toute façon entachée du vice fondamental de la surconsommation des ressources terrestres et du viol de la nature? Ils avancent donc en ne pensant qu’à leur grande et unique idée, ces croisés d’une moderne croisade, ces prophètes d’un avenir régénéré, ces saints d’une nouvelle religion.

C’est le cas des cyclistes idéologues. Pas ces pathétiques bécaniers évoqués fraternellement ici-même par Jean-Blaise Rochat, broyés par l’anticivilisation motorisée, ne violant les règles de la circulation routière que sous l’empire de la nécessité et avec la plus mauvaise conscience. Voyez plutôt ces pédaleurs sûrs d’eux et de leur supériorité, le casque en bataille et la roue missionnaire, qui s’approprient les trottoirs et brûlent les feux rouges; car le fait de progresser à la force inépuisable du mollet leur confère une fraîche légitimité et les hisse au-dessus du commun.

Les thuriféraires des panneaux photovoltaïques en colleraient partout, au mépris des belles toitures de nos villages et de nos bourgs. Adieu, tavillons, ardoise, cuivre et terre cuite! Place aux surfaces banales, lisses et luisantes issues de l’industrie verte triomphante! Le hameau de taveyanne, miraculeusement préservé des atteintes de la vie moderne durant des générations, est aujourd’hui enlaidi par des panneaux solaires installés dans le prolongement des toits. Qu’importe le patrimoine et que règne l’énergie verte!

Pour assurer le massacre définitif de nos sites, voici les éoliennes. Les producteurs d’électricité (qui en font beaucoup trop pour se donner une allure écolo), avec la complicité des pouvoirs publics, prévoient d’en édifier partout: à Sainte-Croix dans le charmant coin de la Gitaz et au Mont-des-Cerfs, écrin sauvage de la bourgade industrielle, à Sainte-Catherine pour urbaniser cet austère défilé bordé de forêts profondes, ailleurs dans le Jorat, dans le Gros-de-Vaud, dans la plaine de l’orbe pour condamner les détenus à endurer le chuintement des hélices, à la Vallée de Joux et sur les crêtes du Jura, par dizaines.

L’éolienne, en elle-même, n’est point laide, avec son long mât et ses pales aérodynamiques. Elle a en outre quelque chose de philosophiquement émouvant: quand on sait qu’elle produit le courant quatre fois plus cher qu’une centrale atomique, et cela dans les quelques moments où le vent souffle assez pour la mouvoir (si bien qu’il faut la doubler d’une sûre réserve nucléaire), sa façon désespérément inutile de brasser de l’air offre l’image des vanités humaines. Mais cette petite satisfaction de la pensée ne saurait justifier qu’on dénature nos paysages.

Or le saccage s’opère en toute impunité, car la noble cause autorise toute atteinte aux sites. Que l’Armée veuille planter une antenne sur un sommet, et toute la République antimilitariste crie à la haute trahison. Qu’un vigneron ait le front de dresser une pergola sur son parchet, et l’administration, sourcilleuse, le condamne. Mais des mâts de soixante mètres de hauteur et d’au moins cinq mètres de diamètre à la base, visibles six lieues à la ronde, dotés d’immenses hélices aux gémissements lancinants, munis d’installations annexes et de voies d’accès pour poids lourds, toutes ces nuisances en plein dans des zones dignes de protection? L’Etat donne sa bénédiction, car de là viendra le salut. Je lève les yeux vers les montagnes, et je vois des éoliennes.

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