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Il faut retirer les produits alimentaires du Cassis-de-Dijon

Olivier Delacrétaz
La Nation n° 1908 11 février 2011
Chaque jour, nous autorisons l’importation de nouvelles cochonneries alimentaires. Après le fromage amidonné, le jambon hydropique, le sirop pauvre en fruit, le cidre pauvre en pommes et la limonade pauvre en tout sauf en taurine, c’est le tour de la crème pauvre en matière grasse1. Pour bénéficier du principe du Cassis-de-Dijon, il suffit d’introduire auprès de la Confédération une demande d’autorisation pour importer chez nous tel produit inférieur à nos normes mais qu’un Etat de l’Union européenne reconnaît comme conforme aux siennes. Sauf présomption de menace pour la santé publique, l’autorisation est accordée. Pour éviter une distorsion de la concurrence au détriment de nos producteurs, ceux-ci sont alors autorisés à fabriquer eux-mêmes, en Suisse, ce produit non conforme aux normes suisses.

Cette dernière disposition induit un effet pervers. En effet, importer le produit lui-même revient trop cher, notamment à cause des coûts de l’impression sur les emballages des indications de provenance, obligation censée protéger le consommateur suisse. Cela fait que Migros fabrique désormais elle-même le médiocre sirop français et que Denner produit lui-même une crème européenne de deuxième ordre.

L’appétit venant en mangeant, si l’on ose dire, on peut prévoir que les grandes surfaces installeront des antennes dans les Etats voisins pour demander des autorisations d’importation qui se transformeront imédiatement en autorisations de production sur sol suisse!

M. Jacques Bourgeois, directeur de l’Union suisse des paysans, déclare non sans raison: «Tout le monde s’accorde pour dire que la qualité suisse est notre porte de salut (ou notre planche de sortie? réd.) pour rester concurrentiel. Le Cassis-de-Dijon torpille tous ces efforts.»

Dans Le Nouvelliste du 25 janvier, M. Olivier Cottagnoud, président du Syndicat autonome des postiers (SAP) et militant de la Gauche valaisanne alternative, s’en prend au directeur de l’USP:

[…] Le conseiller national Jacques Bourgeois, qui n’avait pas combattu le projet de loi, ni soutenu le référendum lancé en 2009 par certains milieux paysans, a lancé dernièrement une initiative parlementaire afin d’exclure les denrées alimentaires de cet accord. […] Aux côtés de Bourgeois, dans les cosignataires de cette initiative, on trouve bizarrement le nom de dix-sept conseillers nationaux qui avaient approuvé la loi du principe du Cassisde- Dijon. Si ces dix-sept conseillers nationaux s’étaient réveillés plus tôt et avaient rejeté la loi en 2009, au lieu de l’accepter, elle n’aurait pas passé. Ce réveil un peu tardif soulève la question de la lucidité et de l’indépendance d’esprit des députés à Berne.

Nous partageons ce point de vue, sauf que ce n’était même pas un accord, mais une décision unilatérale et sans contrepartie prise par la Suisse. Sauf aussi que l’article de M. Cottagnoud est un article électoral qui récupère l’affaire pour inciter les paysans à voter à gauche. Or, la gauche ne fut pas plus brillante que les dix-sept conseillers nationaux repentis. Les parlementaires socialistes, à deux ou trois exceptions près, ont voté en faveur du Cassis-de- Dijon. Les consommateurs sont une clientèle choyée par la gauche, qui craignait de les priver de cette prétendue économie de deux milliards de francs promise par Mme Leuthard.

Mais baste, le mal est fait, il faut maintenant que l’initiative parlementaire de M. Bourgeois soit appuyée par ceux qui prétendent soutenir l’existence et la prospérité de l’agriculture suisse. Sortir l’agriculture du Cassis-de-Dijon, ce serait du même coup tendre un joli croche-patte au projet d’Accord de libre échange agricole (ALEA), croche-patte d’autant plus nécessaire que celui-là, donné pour moribond il y a peu, est en train de reprendre vigueur grâce à son incorporation aux «bilatérales III» de M. Schneider-Ammann.

 

NOTES:

1 Le Matin Dimanche du 16 janvier 2011.

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