Identification
Veuillez vous identifier

Mot de passe oublié?
Rechercher


Recherche avancée

Imposture

Olivier DelacrétazEditorial
La Nation n° 1913 22 avril 2011
Le texte que Mme Lyon demande au Grand Conseil d’accepter comme contre-projet à l’initiative «Ecole 2010» mérite-t-il de s’appeler «contreprojet»?

Un contre-projet à une initiative, ce n’est pas n’importe quel texte traitant du même thème et voté à la même date. Dans le sentiment populaire comme dans l’esprit des institutions, il y a des liens étroits entre une initiative et son contre-projet. Ils tirent, en gros, à la même corde et dans le même sens. Si le parlement juge utile de rédiger un contre-projet, cela signifie qu’il reconnaît la légitimité de la démarche des initiants, mais qu’il juge le libellé de l’initiative insatisfaisant, partial, irréaliste, trop restreint, liberticide, etc. Son contre-projet s’inscrira dans la perspective générale de l’initiative, mais il sera, en principe, plus équilibré, plus en phase avec les institutions, peut-être aussi plus apte à séduire l’électeur.

L’introduction du «double-oui» a encore renforcé l’exigence de proximité entre l’initiative et le contre-projet. Ce système, qui permet à l’électeur d’accepter à la fois une initiative populaire et le contre-projet du parlement, n’a de sens que si l’un et l’autre vont dans la même direction. A défaut, l’électeur ne saurait accepter les deux textes sans faire preuve d’incohérence.

Or, le texte de Mme Lyon ne s’approche à aucun moment de l’initiative. Il s’en éloigne au contraire et aggrave la situation sur tous les points qui ont justifié le lancement d’«Ecole 2010».

Qu’on en juge!

Alors qu’«Ecole 2010» part d’un examen minutieux de la réalité scolaire et de son évolution des quinze dernières années, Mme Lyon, ses chefs de service et ses chercheurs en pédagogie refusent tout examen critique et font l’impasse absolue sur les conséquences réelles de leurs réformes précédentes, en particulier EVM.

Les auteurs d’«Ecole 2010» proposent de réduire les dysfonctionnements scolaires en appliquant, sur la base de leur expérience professionnelle, des correctifs mûrement réfléchis, ciblés et proportionnés. Mme Lyon se contente d’amorcer une nouvelle étape de la fuite en avant vers l’école unique.

«Ecole 2010» abandonne les cycles de deux ans et rétablit le «découpage annuel», qui calque le rythme scolaire sur celui des saisons et des fêtes et permet d’avoir une perspective plus nette et plus serrée sur l’activité scolaire de l’élève. Mme Lyon et la Commission du Grand Conseil vont en sens inverse et proposent la création de deux cycles primaires de quatre ans!

La VSO est une filière en mauvais état, on le sait. Elle n’en constitue pas moins un milieu indispensable pour une catégorie d’élèves qui, aux dires même des praticiens, ont besoin d’être incorporés à un groupe homogène. Alors qu’«Ecole 2010» propose de remettre la VSO en état, en y introduisant une série d’options renforcées et en la reliant étroitement au monde des métiers, Mme Lyon se contente, sans états d’âme, de la jeter aux ordures.

«Ecole 2010» privilégie les méthodes qui, d’expérience, permettent l’enseignement le mieux structuré, le contrôle des connaissances le plus précis et le dépistage des déficiences individuelles le plus précoce. Mme Lyon s’entête au contraire à privilégier les méthodes globales, lentes, approximatives, peu efficaces, et dont les auteurs et l’idéologie qui les inspire sont aujourd’hui partout contestés.

Alors qu’«Ecole 2010» prend soin de ne pas tout chambouler, conservant du système actuel tout ce qui peut l’être, le système à deux voies de Mme Lyon promet une nouvelle décennie de désordre aux enfants, aux parents et aux maîtres.

L’initiative et le contre-projet sont en conflit sur tous les points importants. Et le passage par la Commission n’a pas réduit l’écart. nous tenons de plusieurs membres de la Commission que celle-ci n’a pratiquement pas examiné «Ecole 2010». Curieuse procédure, quand il s’agit de rédiger un «contre-projet» qui aille, comme l’a prétendu Mme Lyon, «aussi loin que possible» dans le sens de l’initiative!

D’ailleurs tout est tordu dans cette opération. Tout sonne faux. Le texte brinquebalant de Mme Lyon n’a jamais eu qu’un seul but, faire obstacle à tout prix à l’initiative. Son appel aux initiants à retirer leur initiative au nom d’un consensus prétendument retrouvé relève d’une hypocrisie totale. Quant à la fixation de la date du vote au 4 septembre, qui relègue l’essentiel d’une campagne capitale à la période des grandes vacances, elle procède elle aussi d’un profond esprit de manipulation et de déloyauté.

Le texte proposé au Grand Conseil n’est pas un contre-projet au sens où l’entendent les honnêtes gens. Le présenter au peuple sous cette appellation serait une imposture. Le Grand Conseil doit se poser la question du refus d’entrée en matière.

Vous avez de la chance, cet article est en accès public. Mais La Nation a besoin d'abonnés, n'hésitez pas à remplir le formulaire ci-dessous.
*


 
  *        
*
*
*
*
*
*
* champs obligatoires
Au sommaire de cette même édition de La Nation: