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Contrer la pénurie de logements

Olivier Klunge
La Nation n° 1926 21 octobre 2011
L’association vaudoise de défense des locataires (ASLOCA) vient de faire aboutir, avec 13501 signatures validées sur 16500 récoltées, son initiative «Stop à la pénurie de logements». Cette initiative, en créant un droit d’expropriation et obligeant Etat et communes à investir 20 francs par habitant dans le logement, donne de mauvaises réponses à un problème réel.

Notre Canton connaît une offre extrêmement basse de logements à louer. Une forte croissance démographique, liée à une croissance économique, est la cause principale de cette pénurie. Il paraît difficile voire dangereux de limiter cette croissance (ce n’est d’ailleurs pas le propos ici). Il ne paraît pas non plus souhaitable d’exporter, comme le fait Genève, les logements de ses travailleurs à l’extérieur du Canton, sous peine d’accentuer les problèmes d’infrastructures, sociaux et d’intégration. Il faut donc augmenter rapidement l’offre de logements pour répondre à la demande.

Une réponse inadéquate

Les propositions de l’ASLOCA ne convainquent pas. Le droit d’expropriation qui permet à l’Etat de priver un particulier de son bien est un acte extrêmement grave, puisqu’il contrevient à la garantie de la propriété, qui est le fondement de notre système économique et l’un des piliers de la société. L’expropriation est légitime quand un intérêt très important de la collectivité s’oppose à un dommage faible pour le particulier (le paysan qui doit abandonner une partie de son champ pour laisser passer une autoroute). Elle ne se justifie cependant pas lorsque d’autres solutions existent sans grand dommage pour l’Etat. Dans le cas du logement, il existe des solutions plus efficaces et plus rapides; nous y reviendrons plus bas. Ainsi, l’expropriation prônée par l’ASLOCA est certainement contraire aux fondements de notre ordre juridique, ainsi qu’à la Constitution fédérale, et partant largement inapplicable. De plus, en pratique, les procédures d’expropriation sont longues et ne pourront intervenir, selon le texte de l’initiative, qu’après cinq années de refus de construire du propriétaire. Cette mesure, par sa lenteur, ne permet donc nullement de résoudre le problème actuel du logement.

L’obligation pour les communes et l’Etat de verser une contribution proportionnelle au nombre de leurs habitants pour le logement à loyer modéré pose également problème. Du point de vue de l’autonomie communale, il paraît inacceptable d’obliger des communes à consacrer des fonds importants à la construction de logements (cas échant sur le territoire d’autres communes) alors que le Plan directeur cantonal leur interdit justement de développer l’habitat sur leur territoire. Sur le plan pratique, il est permis de douter que l’Etat soit plus compétent que les acteurs privés pour le développement immobilier. L’histoire nous démontre le contraire. Les contraintes de respect des lois sur les marchés publics, les «coulages» dus aux grandes administrations et simplement l’absence de professionnels de la branche en son sein, font craindre des retards, des surcoûts et une offre inadaptée, le tout aux frais du contribuable.

Pourtant, d’autres solutions peuvent être envisagées pour mettre sur le marché rapidement des logements à louer. Nous en évoquerons quelques unes.

D’autres solutions existent

Aujourd’hui, les grues essaiment dans tout le Canton pour faire sortir de terre de nouveaux logements. Cependant, des taux d’intérêts bas et une forte demande de logements à acquérir rend les promotions en propriété par étages (PPE) vendues souvent sur plans beaucoup plus rentables que la construction d’immeubles de rapport. Dans certaines communes de La Côte, les enfants du pays ne peuvent plus espérer se loger dans leur commune au sortir du nid familial et les employés peu qualifiés n’ont pas plus d’espoir de vivre près de leur lieu de travail. Pour répondre à ce phénomène, les communes, souvent propriétaires de terrains, pourraient les céder à des privés (coopératives par exemple) avec l’obligation d’y aménager des appartements à loyer abordable, la modicité du prix de vente du terrain devant se répercuter dans les loyers. D’autre part, à l’instar de certaines communes touristiques qui imposent un taux de résidences principales pour les nouvelles constructions, pourquoi ne pas prévoir un taux de logements adaptés à des revenus modestes?

Par ailleurs, le droit du bail actuel qui «gèle» les loyers au niveau de l’entrée du locataire décourage des personnes âgées résidant depuis longtemps dans de grands logements familiaux de les quitter contre des logements plus adaptés à leurs besoins, mais aux loyers sensiblement plus onéreux. Cependant, l’ASLOCA qui défend le locataire installé au détriment de celui qui désire le devenir s’oppose de manière constante à toute réforme.

Enfin, le droit et la pratique de l’aménagement du territoire bloquent également parfois le développement de loyers modérés. Combien de projets immobiliers sont aujourd’hui en attente d’une décision d’une quelconque officine publique? Combien de projets sont bloqués par l’opposition ou le recours d’un voisin qui, profitant de la modicité des frais de procédure et de la lenteur de la justice, ne s’inquiète pas de l’issue qu’il sait défavorable du jugement? Combien de projets, respectant les principes et les gabarits imposés par le règlement des constructions, ont dû être redimensionnés ou abandonnés pour protéger un jardin ou un pan de façade qu’un intégriste du patrimoine jugeait important de conserver, au-delà de toute considération esthétique, comme témoin d’une époque? tous ces retards, ces procédures, ces démarches, ces projets amputés ont un coût qui se reflète forcément sur le loyer.

Des solutions pragmatiques et efficaces existent donc pour lutter contre la pénurie de logements. Elles demandent un certain courage politique et une collaboration entre promoteurs privés et collectivités publiques (qui existe déjà dans maints projets). Il est cependant plus facile, pour prouver son poids politique en période électorale, de lancer en grande pompe une initiative qui tape sur les propriétaires et en appelle à l’Etat providence…

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