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L’impossible parti du centre

Olivier DelacrétazEditorial
La Nation n° 1931 30 décembre 2011
Ces deux derniers Entretiens du mercredi, nous avons reçu des représentants de partis dits «du centre». Leur approche est a priori séduisante. Soucieux d’équilibre, de mesure et d’unité, désireux de tenir compte des intérêts et des sentiments de l’homme ordinaire, ils refusent l’idéologie, ses excès émotionnels et les oppositions inutiles qu’elle suscite à l’intérieur du pays.

Il y a quelque chose de fondamentalement juste dans cette volonté de rassembler les éléments de la réalité politique dispersés au gré des idéologies partisanes. Mais un parti du centre peut-il éviter que sa doctrine ne soit un patchwork, avec un peu de conservatisme, un peu de progressisme, une pointe de profit, une touche de social, du fédéralisme mais pas trop, pas trop d’étatisme mais quand même assez, de la liberté mais cadrée par les lois, etc.? Ce grappillage doctrinal peut plaire au citoyen de sens rassis ou de cervelle flottante. Mais ne s’inspirant pas d’une idée forte, ne défendant pas un intérêt économique évident ni une classe sociale importante, n’éveillant pas de passions spectaculaires, il ne va pas rallier les foules.

On a certes vu des partis du centre puissants. Ce fut le cas du parti radical, notamment dans le Canton de vaud. Mais il avait investi le gouvernement depuis longtemps quand il s’est manifesté comme centriste. Au moment de la conquête du pouvoir, il était résolument à gauche, étatiste et centralisateur. Il ne modéra ces tendances que quand il fut solidement installé. Il pouvait se dire au centre parce qu’il était partout, et ramenait tout à lui. S’il avait été mû dès 1848 par une volonté centriste, il aurait connu un tout autre destin ou, plus probablement, pas de destin du tout.

L’idée que la vérité politique se trouve au centre renvoie tout naturellement à la notion aristotélicienne de «voie moyenne». On connaît les exemples: pour accomplir sa nature, l’homme ne doit être ni couard ni téméraire, mais courageux; ni avare ni prodigue, mais généreux; ni ratiocineur ni irrationnel, mais raisonnable.

Il faut bien voir que la voie moyenne n’est pas seulement un centre entre les deux voies extrêmes. Elle leur est aussi supérieure, comme le sommet d’un triangle isocèle est à la fois au milieu et au dessus des deux autres angles. La voie moyenne n’est pas un simple mélange de deux excès opposés: la tempérance n’est pas faite d’un peu de goinfrerie et d’un peu d’anorexie. La voie moyenne n’est pas de même nature que les deux termes extrêmes, qui sont des produits de décomposition. Elle est une synthèse.

Il en va de même en politique: l’individualisme et le collectivisme sont les produits d’une décomposition communautaire. Il ne suffit pas de prendre un peu des deux en fonction de son inspiration personnelle pour retrouver l’équilibre et l’unité auxquels rêvent les centristes.

Pour rendre possible la synthèse, il faut satisfaire à deux conditions. La première est de reconnaître pleinement la communauté nationale comme le fait politique fondamental et, par conséquent, considérer la protection de son indépendance, de son territoire, de ses moeurs, de ses institutions et de ses autres caractéristiques comme le cadre et la fin de la réflexion et de l’action politiques. C’est incontestablement le souci qui anime l’union Démocratique du Centre, même si ce parti boîte constamment entre le fédéralisme traditionnel et le centralisme de l’efficacité partisane à court terme.

La seconde condition est que le sentiment d’appartenance à la nation soit plus fort que les oppositions partisanes. Et c’est là que se trouve le problème insurmontable. Le drame universel des partis nationalistes, c’est que les nécessités du combat électoral les poussent à faire de la nation, non une communauté historique qui inclut l’ensemble de la population, mais une idéologie exclusive qui rejette comme mauvais citoyens voire comme traîtres à la patrie plus des deux tiers de ladite nation. Dans cette perspective, l’unité du pays n’est imaginable que si tous les citoyens adhèrent au parti nationaliste, ce qui est d’autant plus impossible que la radicalisation d’une idéologie appelle la radicalisation des autres. Cela fait que, dans la durée, l’action d’un parti nationaliste finit nécessairement par contribuer à la dégradation politique qu’il veut et croit sincèrement combattre. La notion de «parti nationaliste» est un oxymore, comme d’ailleurs celle d’«union démocratique».

La recherche de l’unité impose qu’on n’entre pas dans le jeu, de soi diviseur, du combat électoral. Ce fut d’emblée la position de nos fondateurs. Plus de huitante ans après, elle reste inchangée.

La Ligue vaudoise serait-elle, au fond, le seul vrai centre politique du Pays?

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