Un nombre pas fréquentable?

1930 est-il un nombre dont l’usage serait à proscrire? On se souvient que La Nation avait sauté du numéro 1788bis au 1790 pour éviter d’évoquer un millésime dont nous vivons encore les funestes conséquences historiques.

Mais 1930? Cette année n’était pas plus mauvaise que la précédente et sa crise financière d’anthologie. Les relations européennes progressaient à grands pas grâce au lancement de la construction de la ligne Maginot (qui, souci de rapprochement oblige, fut inélégamment contournée par les Allemands dix ans plus tard), les Soviétiques mettaient leurs premiers kolkhozes en exploitation, promesse d’une pénurie alimentaire durable, un astronome américain découvrait la planète Pluton, dévalorisée par le qualificatif de «naine» septante-six ans plus tard, et les pré-écolos obtenaient une interdiction générale de stationner sur la Place fédérale. La naissance de Jean-Luc Godard annonçait de longues heures d’ennui cinématographique, mais était fort heureusement contrebalancée par celles de Clint Eastwood et Sean Connery. La première coupe du monde de foot ne laissait pas encore imaginer que ces nobles joutes sportives pourraient un jour s’accompagner de castagnes entre hooligans, de rassemblements festifs aux rites identitaires primitifs devant des écrans géants, suivis de concerts nocturnes de klaxons et de vuvuzelas.

Non, rien ne permet vraiment de stigmatiser l’année 1930 au point de refuser d’utiliser ce nombre. La répétition du numéro 1929 et de la date du 2 décembre à la une de la livraison de La Nation du 16 décembre n’est donc qu’un oubli attribuable à la fatigue de fin d’année des correcteurs. Nous adressons nos excuses à nos lecteurs ainsi qu’aux collectionneurs et archivistes de la postérité pour cette coquille.