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«A mercredi prochain!» – De l’importance d’une doctrine incarnée

Félicien Monnier
La Nation n° 1931 30 décembre 2011
La politique ne se limite pas à une simple tâche de gestion. Quiconque prétend vouloir présider aux destinées d’un pays doit mener son action de manière cohérente. Les hommes ne sont pas des automates. L’alchimie humaine défie les sciences exactes et pousse souvent à la perplexité. N’importe quel sociologue l’affirmera: l’étude des groupes sociaux, des différentes communautés qui habitent un pays, est chose difficile. C’est une activité faite de tâtonnements, d’empirisme et d’hypothèses à nuancer. La politique, qui doit souvent prendre des décisions difficilement révocables, n’en sera que plus délicate à mener. Le seuil de tolérance d’une communauté à l’indécision de ses autorités est très bas. La réalité est pourtant complexe. Voilà qui plaide déjà contre la centralisation, qui est distance et abstraction.

Le débat politique supporte mal le simplisme, même si les vues électorales de ses participants l’imposent trop souvent. Souvenons-nous seulement des subtils développements qu’exigeaient les débats sur l’initiative anti-minarets, sur l’internement à vie des délinquants sexuels dangereux, contre l’arme à la maison…

La conclusion qu’il convient de tirer de ces premières remarques est qu’un mouvement politique ne peut pas se passer d’une réflexion permanente sur les questions qui, presque toujours de manière inattendue, surgissent sur la scène politique. Les solutions préconisées feront le plus souvent écho à sa doctrine; son idéologie s’il est plutôt simpliste. En bonne logique, et un peu comme la question de l’oeuf et de la poule, la doctrine renverra aux orientations concrètes. Entre la pratique et la théorie devrait alors s’établir une cohérence doctrinale.

Cela ne se fait pas sans effort. Etablir puis maintenir une doctrine politique demande de l’assiduité et de la discipline au groupe qui en fait l’exercice. Des membres du mouvement, dont il ne pourra raisonnablement être exigé une adhésion absolue aux idées, il sera attendu de l’abnégation parfois, de la fidélité toujours. Certes, mener une réflexion doctrinale de fond n’est pas toujours confortable – le parti radical ne choisit-il pas naguère de préférer le confort du pouvoir à l’ascèse de la doctrine? Mais la réflexion doctrinale est fondamentale, au risque de s’endormir sur le banc de la gare, et de voir partir le train sans l’avoir entendu siffler.

Mais méfions-nous, la réflexion politique ne se contente pas seulement du niveau des principes. Entendons par là celui de la discussion de philosophie politique, celle qui cherchera à articuler la liberté, l’égalité, la volonté, la révolte, la raison ou d’autres questions philosophiques, en vue de la conduite d’une communauté politique, précisément.

La théorie doit être sanctionnée par la pratique, le couperet de la réalité. En matière de vie nocturne, la ville de Lausanne peut vouloir défendre une politique libérale sans clause du besoin, elle devra alors assumer les problèmes de sécurité qui se poseront. Au contraire, croira-t-elle cadrer drastiquement l’activité commerciale des débits de boissons et autres clubs, qu’un pan entier de l’économie de notre capitale s’affaiblira, entraînant dans sa chute rentrées fiscales et places de travail. Le politique doit ici articuler liberté économique, ordre social ou public, intérêt de la collectivité. Contrairement aux apparences que crée parfois l’automatisme de l’idéologie, cela ne se fait pas comme on tire un lapin d’un haut-de-forme.

De la même façon, la réflexion politique se nourrit de la réflexion artistique, théologique ou encore historique. Par exemple, l’état du radicalisme vaudois ne se comprend pas sans revenir, au moins, jusqu’à mai 68. Tout comme la structure de notre Eglise evangélique réformée du Canton de vaud ne peut s’analyser en détail sans connaître l’oeuvre étatiste d’Henri Druey. Enfin, le panorama littéraire vaudois – pierre d’achoppement d’une possible politique culturelle – ne pourra jamais être appréhendé sans que l’on s’attarde sur l’aventure des Cahiers Vaudois dans les années 1920.

La discussion doit donc se situer à des niveaux différents, mais chacun aura ses exigences intellectuelles propres. La métaphysique d’Aristote ou la théologie de Calvin exigent un esprit d’abstraction. L’étude d’un nouveau mécanisme constitutionnel, l’abolition de l’obligation de servir par exemple, attend de son analyste qu’il ait le sens des institutions. Le meilleur des constitutionnalistes n’aura peut-être pas le coup d’oeil que nous demande l’oeuvre de Felix Vallotton. L’appréhension de la politique fiscale du Canton exige des connaissances économiques qui peuvent échapper au plus fin critique d’art. Néanmoins, ces domaines finissent souvent par retrouver, même de manière infime, un écho les uns auprès des autres. Nous retrouvons ici la cohérence que toute doctrine politique se doit d’avoir: verticalement de la théorie à la pratique, mais aussi horizontalement, au sein même de la théorie, ou de la pratique.

Depuis les tous premiers débuts de la Ligue vaudoise, il y a environ nonante ans, la réflexion et la discussion occupent une place centrale dans la vie de notre mouvement. Elles l’occupent toujours: entre articles dans La Nation, publications aux Cahiers de la Renaissance vaudoise, séminaires et camps de Valeyres.

Les Entretiens du mercredi sont pour nos lecteurs le meilleur moyen de nous rencontrer. Ils sont l’occasion de soumettre notre doctrine à l’épreuve de la réalité. Nous nous efforçons d’y remettre des idées sur le grill pour ne pas qu’elles gèlent. Nous y partons à la découverte des aspects les moins connus de notre Canton. Nous y rencontrons les hommes et les femmes qui font vivre nos institutions et nos communautés. Les Entretiens du mercredi sont un moyen de ne pas voir partir le train. A mercredi prochain!

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