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Il ne doit pas y avoir de compétence fédérale générale

Félicien Monnier
La Nation n° 1952 19 octobre 2012

«Les cantons sont souverains en tant que leur souveraineté n’est pas limitée par la Constitution fédérale et exercent tous les droits qui ne sont pas délégués à la Confédération.»

Pris à la lettre, l’article 3 de notre Constitution fédérale exprime bien le principe d’une délégation ascendante de compétence, des cantons à la double majorité avec le peuple, à la Confédération. Le principe est donc simple: toute tâche non attribuée à la Confédération est de compétence cantonale. Autrement dit, les cantons se chargent de tout ce qui n’est pas attribué expressément à Berne. Deux remarques doivent être faites sur ce mécanisme.

Il arrive que nous nous retrouvions malgré tout devant ce qui semble être une sorte de délégation descendante. Soit un mécanisme par lequel on fixe dans la Constitution, et de manière expresse, certaines compétences cantonales. Ainsi en est-il de la compétence en matière de culture exprimée à l’article 69 alinéa 1: «La culture est du ressort des cantons.»

Certains auront tôt fait d’affirmer que cela ne change rien. L’important n’est-il pas que notre canton puisse exercer le plus de compétences possibles? Une nuance de taille mérite d’être apportée.

De prime abord, on pourrait croire qu’une compétence cantonale exprimée au niveau de la Constitution fédérale comme celle en matière de culture n’est pas vraiment de la même nature qu’une compétence résiduelle fondée sur le mécanisme traditionnel de l’article 3. En effet, lors du vote de l’article 69 et par le jeu de la double majorité, le peuple suisse a été actif en tant que tel, ayant décidé spécialement de donner une compétence aux cantons, tout en l’inscrivant dans la Constitution. En réalité, le peuple suisse s’est également exprimé sur l’article 3. En approuvant le mécanisme, il approuve de manière générale ce que ce mécanisme permettra.

On voit donc que, quel que soit le régime d’attribution de compétences aux cantons, résiduel et général par l’article 3, ou spécial et direct comme avec l’article 69, les cantons exercent leur compétence sous la coupe parfaitement cohérente de l’ordre juridique fédéral. Rien ne semble avoir échappé à la logique implacable du constituant. Toute compétence cantonale est exercée sous la bénédiction de la Constitution fédérale.

Autrement dit, dans cette petite Confédération, tout est dû à la clairvoyance de la majorité des cantons certes, mais aussi de la majorité du «peuple suisse». Finalement, les cantons ne seraient plus si «souverains» que ça, nonobstant la lettre de l’article 3.

En réalité, malgré l’implacabilité du raisonnement juridique, il y a quelque chose qui ne joue pas. Et si ce que la Constitution fédérale exprime n’était pas la réalité? Et si ces vingt-six territoires, avec chacun leur histoire et leurs réalités socioculturelles, étaient bien des entités uniques, «souveraines»?

Le problème réside bien dans la règle de la double-majorité. Elle est un peu schizophrène tout de même, tant elle exige du citoyen qu’il porte deux casquettes. Peut-on raisonnablement s’exprimer à la fois comme Suisse et comme citoyen cantonal? De même, on peut douter qu’imposer à une minorité de cantons le choix d’une majorité d’entre eux soit compatible avec le principe de la solidarité confédérale.

Le fait que l'article 3, en faisant partie de la Constitution, soit lui-même soumis au régime de la double-majorité laisse entendre qu’en Suisse le niveau de souveraineté effectif est celui de la Confédération. Mais l'idée qu'on puisse en déduire une compétence fédérale générale doit être combattue. Ne plus utiliser des formulations comme celles de l’article 69 – dénotant un état de centralisation plus avancé que le simple mécanisme de l’article 3 – est le premier pas de ce combat.

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