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L’unité du gouvernement

Olivier DelacrétazEditorial
La Nation n° 1937 23 mars 2012

Autrefois, la présidence du gouvernement vaudois était avant tout honorifique. La Constitution de 2003 lui a donné une réalité politique. Elle prévoit que le président, désigné par le Conseil d’Etat pour cinq ans, «assure la cohérence de l’action gouvernementale» (art. 115) et qu’il «dispose de l’administration générale, coordonne l’activité des départements et veille à leur bon fonctionnement» (art. 117).

L’article 29 de la loi sur l’organisation du Conseil d’Etat détaille les dispositions constitutionnelles: le président «assure la représentation du Conseil d’Etat», «conduit les relations avec les pouvoirs et autorités du canton ainsi que les relations extérieures», «développe l’information et la collaboration entre les départements», «conduit des démarches, projets et processus de caractère général et transversal, en particulier le programme de législature et sa planification financière».

L’Assemblée constituante est allée dans le sens de l’initiative de la Ligue vaudoise dite «Pour la coordination des départements cantonaux», qui avait échoué devant le peuple en 1954. Le but est le même, renforcer l’unité d’être et d’action du gouvernement vaudois.

La coordination des départements est un problème permanent. Chaque département a ses pesanteurs administratives et ses intérêts particuliers qui l’induisent à agir de son propre côté et pour son propre compte. Cette spécialisation, comme toutes les spécialisations, pousse les responsables à aborder les choses sous leurs aspects techniques et administratifs plutôt que sous l’angle politique. Elle les induit aussi à tenir pour négligeables les retombées sur les autres départements et sur l’ensemble.

La seule existence d’une fonction présidentielle de coordination, indépendamment même des qualités de celui qui l’incarne, oriente automatiquement les activités particulières de chaque département dans le sens de l’unité gouvernementale. Elle réduit aussi, même si elle ne les supprime pas, la portée des oppositions idéologiques partisanes.

Face aux autres cantons et à la Confédération, le Canton parle d’une seule voix, ce qui lui donne plus de netteté et de force. Un chef de département donne un avis, généralement celui de ses grands commis, le président exprime la volonté du Canton.

On peut penser, enfin, que seule une présidence vigilante et soucieuse de la bonne marche générale du Canton sera à même de contraindre les institutions transcantonales à rester à leur place. Celles-ci tendent toujours à déborder de leur rôle et à prendre des décisions souveraines, ce qui est d’autant plus inacceptable qu’elles échappent au contrôle du Grand Conseil et du peuple vaudois.

La présidence peut-elle avoir des effets indésirables? La loi sur le Conseil d’Etat prévoyant que le président «procure son appui […] lorsque le chef du département concerné le demande», on a vu M. Broulis enfiler un t-shirt rose et noir pour distribuer à la gare de Lausanne des tracts en faveur de la LEO. Interprétation de la notion d’appui pour le moins extensive, et dommageable pour la dignité présidentielle! Mais un excès n’engage que celui qui l’a commis. Il ne peut être reproché à l’institution comme telle.

Même si l’expérience vaudoise est encore un peu brève, il est remarquable que la mise en œuvre de l’institution présidentielle ait coïncidé non seulement avec une amélioration des finances vaudoises, mais aussi et surtout avec un regain d’autorité vaudoise face à l’extérieur. Politiquement, Vaud reprend sa place naturelle.

Le président actuel est aussi le chef du département des finances. L’autorité présidentielle se double ainsi du pouvoir des cordons de la bourse. Cette double tâche n’est-elle pas trop lourde? Et surtout, le caractère généraliste de la fonction présidentielle peut-il coexister d’une façon équilibrée avec la conduite particulière d’un département, quel qu’il soit? On peut se demander si les préoccupations financières de M. Broulis n’ont pas influencé la politique du Conseil d’Etat dans un sens trop exclusivement comptable, ce qui expliquerait nos investissements publics à la retirette.

La Ligue vaudoise, consciente de ce possible conflit d’intérêts, avait à l’époque proposé la création d’un département entièrement dévolu à la présidence, en fait, un département purement politique. Les constituants n’ont pas voulu aller aussi loin, mais l’idée fait son chemin. On peut la défendre aujourd’hui sans être soupçonné de vouloir un dictateur vaudois. C’est ainsi que M. François Modoux, journaliste fort éloigné idéologiquement de La Nation, écrivait le 9 mars dernier dans Le Temps: L’autre modèle évoqué est la création d’une sorte de département présidentiel incluant les affaires extérieures – toutes les relations de l’Etat avec les communes, les autres cantons ainsi que la Confédération – et des services généraux comme les ressources humaines, l’informatique ou la culture. Dans ce scénario, la chancellerie, conçue comme un état-major au service du président, serait rattachée au département présidentiel. Cet organigramme, pensent ses partisans, serait le plus prometteur pour favoriser la cohésion accrue jadis souhaitée par les constituants vaudois.

La culture, on ne voit pas très bien pourquoi, mais pour le reste, c’est bien vu.

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