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Les sources ne sont pas taries

Jacques Perrin
La Nation n° 1937 23 mars 2012

Si l’on se contente des reflets que les grands médias et les débats politiques donnent de la vie intellectuelle, on jugera qu’elle est indigente. Le flou se le dispute au grandiloquent, le manichéisme et le scientisme y dominent: «valeurs», «ouverture», «repli», «démocratie», «droits humains», «indignation», «printemps» de ceci ou de cela, «avancées» des neurosciences et «gouvernance», tels sont les concepts, entre autres, qui s’entrechoquent à l’infini.

Pourtant, dans les interstices de ce magma, la pensée vivante se fraie un chemin. Elle réapparaît sans cesse, souvent dans des lieux où personne n’imagine la voir surgir. Même dans le Matin Dimanche, on constate avec surprise que la gamme des opinions représentées s’étend, et il n’est pas rare qu’on trouve matière à réflexion dans les colonnes de ladite feuille.

Dès la naissance de la Ligue vaudoise, ses sympathisants, aux profils plus divers qu’on ne l’imagine, ont cherché leur nourriture intellectuelle dans plusieurs directions.

La Ligue s’est appuyée et s’appuie toujours sur les philosophies d’Aristote et de Thomas d’Aquin. On remarquera en passant combien ces deux penseurs sont méconnus, même des essayistes de bon sens qui renouent avec la métaphysique aristotélicienne à leur insu! Les intellectuels consentent à se référer à Platon, à saint Augustin, aux stoïciens ou aux sceptiques, voire à Plotin, mais Aristote et Thomas les rebutent parce qu’ils sont censés participer d’une «scolastique» dépassée: on en reste à ce «benêt d’Aristote» moqué par Molière!

La Ligue s’est aussi nourrie des penseurs de l’Action française. Les bagarreurs ont suivi Charles Maurras. Les sceptiques voltairiens se sont inspirés de Jacques Bainville. Les réalistes mystiques (ça existe!) ont préféré Gustave Thibon. A partir de ces auteurs et de quelques autres, Marcel Regamey et ses amis ont construit une doctrine adaptée à la réalité vaudoise.

Dans l’élaboration d’une pensée, il ne faut pas négliger la littérature. Comment comprendrait-on le Pays de Vaud sans avoir lu Ramuz, notamment Aimé Pache, peintre vaudois? D’où tirer des leçons politiques et morales plus utiles que chez La Fontaine ou Balzac? Quel tableau plus juste des tourments endurés par les nations et les hommes que celui que nous peignent les écrivains de combat, Ju?nger, Corti, Soljenitsyne ou Grossmann?

Avant de construire, il faut parfois se nettoyer l’esprit et sacrifier quelques idoles. A cette fin, les écrivains sceptiques, de Lucrèce à Nietzsche en passant par Montaigne, valent leur pesant d’or.

Nous n’avons évoqué que des penseurs du passé. Trouve-t-on aujourd’hui des nourritures spirituelles, des auteurs qui poursuivent la quête de leurs prédécesseurs? Oui, ces auteurs existent, plus nombreux que l’on ne croit. Ils se tiennent le plus souvent à l’écart des grands médias; ils sont mauvais dans les débats télévisés où on les attire parfois comme dans un guet-apens. Ils ont l’air de francs-tireurs, même (et surtout) dans la sphère politique à laquelle on croit devoir les assimiler. La Nation a déjà parlé de Philippe Muray ou de Louis Dumont, récemment décédés, mais aussi de Clément Rosset, Jean-Claude Michéa, Jérôme Leroy, Richard Millet, Renaud Camus ou Hélie Denoix de Saint Marc, et elle cherchera toujours à attraper dans ses filets les oiseaux rares.

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