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A propos de l’affaire Taubira

Olivier DelacrétazEditorial
La Nation n° 1981 29 novembre 2013

On a comparé Mme Christine Taubira, ministre de la Justice, à une guenon. Une petite fille lui a jeté une banane. Beaucoup ricanent en douce, avec le sentiment de prendre une revanche sur le discours politiquement correct que l’officialité leur inflige jour après jour. C’est un peu court.

Ces insultes renforcent la position de Mme Taubira sur ses lois pénales et civiles les plus contestables. Elles contribuent surtout à empêcher tout débat de fond sur la nature de l’identité française, sur ses limites, sur les devoirs mais aussi les droits des nationaux.

Ce débat majeur s’est dégradé au point qu’il n’offre plus qu’une alternative: l’universel désincarné des «valeurs républicaines» ou le particularisme biologique de la race. Plus précisément, car en réalité il n’a pas de choix, le Français est sommé de reconnaître une parfaite égalité entre tous les êtres humains et d’accepter a priori toute concrétisation de cette égalité dans ses institutions. A défaut, il est raciste. Pas de milieu.

Alternative débilitante! L’être humain est en toute chose à la fois particulier et universel, à la fois déterminé par ses appartenances et liberté de son jugement comme de ses décisions.

Aussi ne se retrouve-t-il pleinement ni dans le donné brut de la race, ni dans la sèche – et d’ailleurs imprécise – rationalité des «valeurs républicaines». Seule la communauté historique et territoriale qu’on appelle la nation offre, dans une certaine mesure, la synthèse du particulier et de l’universel.

Une race, c’est l’ensemble des individus répondant à une définition biologique invariable. La nation est une communauté vivante, donc différenciée et structurée par des hiérarchies. Elle est le résultat de la volonté politique, de l’imagination, du jugement, de la résistance à la malice des temps… et de beaucoup de chance.

La race exclut absolument toute personne qui n’en est pas. A l’opposé, les «valeurs républicaines» incluent le monde entier, immédiatement et sans difficulté. Mais c’est une inclusion toute théorique, en fait un discours moral inefficace sur l’intégration illimitée. Ce qui est sûr, c’est que, si ouverts et inclusifs soient-ils, les tenants de ces valeurs excluent absolument, eux aussi, celui qui ne les révère pas explicitement.

La nation a quelque chose d’organique. Elle peut assimiler l’étranger, s’il n’arrive pas en trop grand nombre ni à un rythme trop rapide. Cette assimilation ne va pas de soi; elle prend du temps et demande beaucoup de bonne volonté de la part de l’arrivant et du peuple d’accueil. Au cours de ce processus, l’assimilateur prend aussi quelque chose de l’assimilé. C’est l’acculturation.

Comme un individu construit sa personnalité à partir de ses fautes autant que de ses réussites, la nation inclut ses erreurs et ses malheurs dans son histoire. Elle en fait des éléments constitutifs de sa réalité. Elle cicatrise, pourrait-on dire. Et il vient un moment où cela n’a plus guère de sens de porter un jugement moral ou juridique sur ces erreurs.

Au contraire de la nation, la race est intemporelle. Il n’y a dans la perspective raciale ni changement, ni synthèse, ni cicatrisation, ni oubli, ni pardon. Il en va de même avec les «valeurs républicaines». L’une et l’autre négligent le caractère régénérateur, réhumanisant, pourrait-on dire, de la durée.

Il arrive que ces deux extrêmes convergent. La loi «mémorielle» de Mme Taubira pose dans son article premier que «la république française reconnaît la traite négrière comme un crime contre l'humanité». Le crime contre l’humanité est juridiquement imprescriptible parce que moralement impardonnable. Il existe donc une loi française qui criminalise à jamais la plupart des Etats européens, dont la France. Cette condamnation à perpétuité est conforme à l’idéologie universaliste des «valeurs». En même temps, la loi contient, en filigrane, une mise en cause perpétuelle et subtilement raciste de l’Europe – et de la France – blanche et esclavagiste.

Dans un pays civilisé, la race n’est pas insignifiante, mais elle est secondaire. Elle est intégrée à l’ordre social. L’appartenance nationale, les déterminations familiales, professionnelles et religieuses, les liens affectifs sont plus forts, plus significatifs que les caractéristiques raciales.

Mais une nation peut se décomposer. Quand la civilisation reflue, quand l’ordre social se défait, quand les repères traditionnels sont ridiculisés, la race offre une sorte de communauté de substitution. La différence raciale devient la seule spécificité collective, la seule différenciation à laquelle on puisse encore se rattacher. Son caractère immédiatement reconnaissable, son incontestabilité biologique inspirent à ceux qui s’en réclament une confiance aveugle dans le groupe, débouchant sur une revendication collective immédiate et brutale. C’est ainsi que le communautarisme racial ou ethnico-religieux naît et prospère sur les ruines de la nation.

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