Identification
Veuillez vous identifier

Mot de passe oublié?
Rechercher


Recherche avancée

Le «selfie»: me, myself and I

Julien Le Fort
La Nation n° 1984 10 janvier 2014

Les nouveaux téléphones portables ont au moins un point commun avec le péché originel: ils portent l’homme au narcissisme.

L’homme du jardin d’Eden n’était-il pas un homme tourné vers l’altérité au point qu’il ne voyait pas sa propre nudité? L’homme nourri de la pomme interdite n’est-il pas celui qui se regarde, voire se contemple?

Les outils du narcissisme ont évolué. Adam se regardait lui-même ou regardait Eve. Narcisse se vit dans les eaux calmes d’un étang. On inventa le miroir, de pierre polie d’abord, puis de verre. Et on en vint finalement au selfie.

Le selfie consiste à tenir son téléphone portable à bout de bras pour se photographier dans un cadre ou dans des circonstances que l’on souhaite faire partager à d’autres. C’est une façon imagée de dire «j’y étais!», puis, en publiant le selfie sur les réseaux sociaux (ce que le téléphone portable permet de faire en deux temps trois mouvements), de faire partager cette exclamation à moult connaissances.

Le selfie n’a certes pas inventé le narcissisme. Celui-ci – on l’a mentionné – peut s’exprimer de mille manières, sans recourir aux technologies. Par exemple, les contributeurs à La Nation trouvent souvent un plaisir tout narcissique à relire leurs articles le vendredi dès qu’ils ont relevé leur courrier. Beaucoup diront qu’après tout, le téléphone portable n’est qu’un instrument neutre; le péché du narcissisme est enfoui dans le cœur de l’homme, non contenu dans l’appareil technologique.

Cela est vrai mais un peu court. Un instrument sert toujours à quelque chose, il est toujours tourné vers une finalité. Cette finalité est plus ou moins morale. L’instrument est en outre plus ou moins susceptible d’être utilisé pour une autre finalité, moins morale.

Lorsque les fabricants des nouveaux téléphones portables installent sur ces appareils un dispositif très élaboré qui permet de se photographier soi-même aisément puis de publier ce cliché sur les réseaux sociaux en moins de temps qu’il n’en faut pour l’écrire, ils ouvrent la porte au narcissisme. Ils créent un scandale au sens biblique du terme, soit une occasion de chute. C’est un fait.

Il n’y a pas mort d’homme, certes. Mais il est nécessaire d’affirmer que les appareils modernes qui sont censés servir à téléphoner (soit à entretenir une relation) portent souvent à une attitude de narcissisme (soit égocentrique et donc coupée de relation). Le narcissisme est un fruit du cœur de l’homme mais la technologie rend ce narcissisme extrêmement facile et branché. Au point même que des chefs d’Etats succombent au selfie!

Vous avez de la chance, cet article est en accès public. Mais La Nation a besoin d'abonnés, n'hésitez pas à remplir le formulaire ci-dessous.
*


 
  *        
*
*
*
*
*
*
* champs obligatoires
Au sommaire de cette même édition de La Nation: