Anonymes mous

De nombreuses personnes ont été interpellées par la police après les attentats de Paris. Nous, ce qui nous a interpellé, c’est – parmi beaucoup d’autres choses plus sérieuses – la réaction belliqueuse du groupe international de pirates informatiques appelé «Anonymous» – en anglais, car on ne fait rien en informatique, de nos jours, sans parler un minimum d’anglais.

Dans une vidéo diffusée sur internet, un représentant des «Anonymous», le visage dissimulé derrière son traditionnel masque blanc et la voix déformée, a déclaré la guerre à l’Etat islamique, menaçant de le traquer sur internet et de détruire ses réseaux. «Nous allons lancer l’opération la plus importante jamais réalisée contre vous. Attendez-vous à de très nombreuses cyber-attaques.» C’était très impressionnant; peut-être pas autant qu’un bombardier stratégique Tupolev- 160, mais impressionnant quand même.

Quelques jours plus tard, un autre représentant des «Anonymous» – enfin, on suppose que c’était un autre – a déclaré aux médias que la première vidéo était un faux, que lui-même était un vrai représentant des vrais Anonymous, et que les vrais Anonymous déclaraient aussi la guerre à l’Etat islamique, cette fois pour de vrai.

Nous restons perplexes. Comment faire la différence entre un vrai anonyme et un faux anonyme? Comment être sûr que les seconds étaient vraiment les vrais et les premiers des imposteurs, et non l’inverse? Comment savoir s’ils n’étaient pas tous deux de faux Anonymous? Ou tous deux de vrais représentants de cette organisation dont les membres ne se connaissent pas forcément, dès lors qu’il s’agit d’un collectif autogéré dont à peu près n’importe qui peut se revendiquer? Et d’ailleurs, même si les types des deux vidéos se connaissaient, comment auraient-ils pu se reconnaître avec leur masque?

Et maintenant, est-ce que les vrais et les faux Anonymous vont lutter ensemble contre l’Etat islamique, ou vont-ils lutter les uns contre les autres, comme dans un vrai système démocratique? A en croire certains articles de presse, tous ces pirates informatiques se marchent dessus et leurs prétendues victoires ne valent pas un cyberclou. Leurs confrères de l’Etat islamique ont d’ores et déjà répondu que les menaces des Anonymous, vrais ou faux, les faisaient rire. D’une certaine manière, cela nous fait aussi sourire. Les collectifs autogérés, surtout anonymes, ne remplaceront pas de sitôt les Tupolev-160.