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La transsexualité imposée aux plus jeunes

Jean-François Pasche
La Nation n° 2147 24 avril 2020

En 2018, Jean-François Braunstein1 publiait La philosophie devenue folle2, un ouvrage où il revenait sur l’origine académique des théories sociétales progressistes, aujourd’hui très en vogue dans nos universités, en particulier la théorie du genre et l’antispécisme. Il y décrit un monde d’intellectuels décadents défendant l’euthanasie, l’eugénisme et même pour certains la zoophilie et la pédophilie. La première partie de l’ouvrage intitulée «Le genre et la négociation du corps» est consacrée à John Money, un psychologue et sexologue de l’université américaine Johns Hopkins. Sous sa plume est apparu en 1955 le concept de «genre»3 qui renvoie à l’idée d’une séparation entre le sexe biologique et «l’identité de genre», soit le sexe prétendument imposé à l’individu par son éducation, comme si la nature n’avait rien à voir dans le fait d’être un homme ou une femme – ou du moins que la «culture prévaut sur la nature». John Money a voulu le prouver par l’expérience. En 1966, raconte Jean-François Braunstein, des parents de jumeaux s’adressent à lui en raison de sa réputation de spécialiste de l’hermaphrodisme et du transsexualisme, car l’un des garçons a été mutilé peu après la naissance dans ses parties génitales lors d’une opération ratée d’ablation du prépuce. Money va pousser les parents à le transformer complètement en fille et à lui donner une éducation en conséquence. Cette expérience se soldera par un échec cuisant. Dès l’adolescence, et après avoir subi plusieurs opérations de transformation et une médication hormonale continue, le garçon transformé en fille ne se sent pas femme. Il se révolte contre son traitement et réclame le retour en arrière. Il finit par se suicider en 2004. Bien que cette histoire jetât le discrédit sur Money, la théorie du genre n’a pas été remise en cause, loin de là.

Dans un article du Figaro du 13 février4 co-signé d’Olivier Rey5 et de Jean-François Braunstein, les deux chercheurs montrent que les choses ont continué à évoluer dans le même sens aux États-Unis, au Royaume-Uni et en Europe du Nord: «Un enfant d’une douzaine d’années affecté de “dysphorie de genre”6 peut-il se voir proposer, si ses parents y consentent, un traitement “bloqueur de puberté” – le temps de réfléchir. Ensuite, à 15 ou 16 ans, l’adolescent demeuré en réalité enfant peut de son propre chef, s’il est toujours résolu à changer de sexe, se lancer dans une “transition” pilotée par hormones, aux effets en grande partie irréversibles et éventuellement en passer par la chirurgie à partir de 18 ans.»

Première constatation, un enfant dont la puberté est interrompue se voit non seulement bloqué dans son développement physique mais aussi dans son développement mental. A 16 ans, lorsqu’il fait un choix définitif, il possède en réalité le discernement d’un enfant de 12 ans. Est-on vraiment capable à cet âge de faire de tels choix? Ne sont-ce pas plutôt les parents, influencés par l’idéologie à la mode, qui mettent leur enfant devant une possibilité dont ils sont incapables de saisir la portée?

La comparaison avec les abus sexuels sur mineurs est riche d’enseignements. Aujourd’hui, ils sont fermement condamnés, car la loi estime qu’un enfant ou jeune adolescent est incapable de consentir à un rapport sexuel avec un adulte. Mais alors, «que faut-il penser des personnes pour qui le désir exprimé par des enfants du même âge, ou encore plus jeunes, de changer de sexe, fait loi, et qui considèrent qu’il convient d’y répondre en leur fournissant les traitements appropriés? Trop jeunes pour que leur consentement à une relation sexuelle avec un adulte en soit vraiment un, mais assez mûrs pour s’engager sur la voie d’une “transition” d’un sexe à l’autre?»

Il y a une telle monstruosité à confronter un enfant à la possibilité de changer de sexe, simplement parce qu’il aime grimper aux arbres alors que c’est une fille, ou qu’il lui arrive de jouer avec des poupées alors que c’est un garçon, qu’on a de la peine à le croire. Mais ce phénomène est bien réel. Au Royaume Uni, les demandes de changement de sexe augmentent d’années en années et les Américains produisent des émissions de téléréalité mettant en scène des enfants transgenres.

Quant aux chercheurs, ils concluent: «Dans les temps chaotiques dans lesquels nous sommes entrés, se projeter quelques décennies dans le futur est devenu très difficile. Si des effondrements surviennent, comme certains le prédisent, les gens se rappelleront avec incrédulité, dans les débris, cette mode “trans” qui agitait le monde au bord du gouffre. Si la trajectoire se maintient encore un moment, les “progressistes” de 2050 s’effareront que, en 2020, il ait pu paraître progressiste de proposer des “transitions” d’un sexe à l’autre à des êtres très jeunes – de la même façon que les “progressistes” de 2020 s’effarent de la libre sexualité avec les très jeunes qu’il était “tendance” de prôner quelques décennies plus tôt. Ceux qui, aujourd’hui, encouragent ou simplement admettent les “transitions” précoces diront alors: c’était la période. Mais non, ce n’était pas la période, c’étaient eux.»

Nous espérons qu’ils voient juste et que, quelle que soit la direction que prend le monde, on mettra fin à de telles violences envers les enfants. Dans tous les cas, il faudra se rappeler que le progressisme, bien que les idées qu’il prône aient quelques attraits de façade, se fonde sur une pensée qui engendrera et justifiera encore des actes monstrueux.

Notes

1  Jean-François Braunstein est professeur à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne.

2  Jean-François Braunstein, La philosophie devenue folle, Paris, Grasset, 2018.

3  La philosophie devenue folle, p. 27.

4  «Changement de sexe pour les mineurs: l’emballement de la logique des droits», Le Figaro, 13 février 2020.

5  Olivier Rey est chercheur à l’Institut d’histoire et de philosophie des sciences et des techniques (CNRS/Paris-I).

6  Autrement ce que l’on appelait des garçons ou des filles manqués, mais nous craignons que ce vocabulaire soit à présent politiquement incorrect.

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