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Il faut reparler des Goûts Réunis

Daniel Laufer
La Nation n° 2178 2 juillet 2021

C’est à cette enseigne que se donnent depuis nombre d’années des concerts de musique ancienne, aujourd’hui en l’église de Villamont, autrefois à Saint-Laurent, généralement le samedi à 18h30. Si nous en parlons ici, c’est que le caractère spécifique des Goûts Réunis, c’est d’abord une haute exigence de qualité, non seulement dans le choix des artistes, mais aussi dans celui des compositeurs, même s’ils sont souvent complètement inconnus; ce fut le cas le 5 juin avec les Voces Suaves, dans des musiques inspirées par la Divine Comédie. Qui connaît Luzzasco Luzzaschi, Stefano Bernardi, Jacques Arcadelt… et tant d’autres, nés au début ou au milieu du XVIe siècle, et qui furent célèbres en leur temps, de Naples à Varsovie, de Ferrare à Namur, de Paris à Florence? Ils ont laissé des œuvres raffinées, originales, extrêmement séduisantes à l’oreille, et que l’on redécouvre aujourd’hui grâce à des artistes – que l’on devrait qualifier d’archéoartistes – dont on se demande comment ils ont réussi non seulement à découvrir, mais à déchiffrer des manuscrits pour nous illisibles!

Comment se fait-il donc que les foules se précipitent pour admirer une rétrospective de van Eyck, ou les fresques d’un Giotto par exemple, mais que les œuvres tout aussi géniales des musiciens du même temps ne recueillent que l’attention d’un public clairsemé? A notre sens, l’église de Villamont devrait attirer autant de centaines d’amateurs que la salle Métropole pour les concerts de l’OSR!

Certes, les chefs-d’œuvre, toutes disciplines réunies, ne nous parlent pas de la même manière. L’engouement moderne pour Brahms postule un grand orchestre, donc une grande salle, donc un vaste public… tandis que les Madrigali spirituali a cinque voici de Luca Marenzio (1553-1599), œuvre admirable et presque oubliée, ne s’entendent que dans un espace restreint. C’est un mystère.

Il reste que des funérailles grandioses rendirent hommage à Claudio Monteverdi le 29 novembre 1643, en la Basilique Saint-Marc à Venise. Les Voces Suaves ont interprété à Villamont, d’une manière irréprochable, le 5 juin 2021, le Sanctus de sa messe «In illo tempore». Magnifique. Pour autant, il ne nous a pas paru que son génie surpassât celui de certains de ses contemporains méconnus, comme Claudio Merulo ou Asprilio Pacelli.

On se console comme on peut de cet oubli, en jetant un regard désabusé sur les innombrables anthologies qui tentent en vain de ressusciter les poètes disparus dont quelques perles aussi n’ont pas échappé aux chercheurs, mais bien, grâce à eux, au massacre du temps.

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