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Bistrocratie

Arnaud Picard
La Nation n° 2193 28 janvier 2022

Nous vivons en démocratie, système admirable où personne n’est d’accord avec quiconque, où les débats télévisés tournent à la foire, où des puissances occultes manipulent l’opinion à leur profit, où les infirmiers sont en colère, les fonctionnaires assommés par le stress, les enseignants en burn out, les patrons écrasés par leurs bénéfices et les agriculteurs ruinés par les subventions, condamnés à errer sur les routes cantonales juchés sur des tracteurs poussifs à 30 km/h, ignorant les klaxons grâce à leurs écouteurs branchés sur une radio locale promouvant des bananes et des ananas de proximité.

Il ne reste, dans ce système, que quelques pauvres hères, qui se traînent jusqu’aux bureaux de vote ou à la boîte aux lettres de la commune, pour y déposer des bulletins qui ne servent à rien, puisqu’ils «font ce qu’ils veulent de toute façon». La démocratie présente des signes de fatigue, il faut bien l’admettre.

On parle parfois de partitocratie, un variant viral pernicieux de la démocratie à ce qu’il paraît. C’est un système où des rapaces, des vautours, des chacals et des hyènes, réunis en comités dirigeant des factions, se livrent des batailles inexpiables pour se partager les dépouilles de corps électoraux jetés en pâture à leurs appétits féroces. A vous glacer le sang.

Alors, la médiacratie, synonyme de médiocratie? Je n’en dirai pas davantage, car j’ai des copains à la télé. Faut-il lui préférer l’aristocratie, système dans lequel des pignoufs prétendent gouverner le monde parce que l’un de leurs ancêtres a participé à une bataille il y a mille ans, dadais minés par la consanguinité, engendrant des mioches déguisés en petit lord Fauntleroy et des gamines grattant des harpes en attendant de rejoindre des groupuscules totalitaires, tout cela dans des châteaux délabrés par l’impéritie de leurs grands-pères lubriques, ruinés par des danseuses à la cuisse légère? L’aristocratie? Merci bien!

L’heure n’a-t-elle pas sonné d’essayer la bistrocratie, régime dans lequel des aubergistes philanthropes accueillent avec un sourire empathique des passants avides d’échanger avec leurs semblables des propos philosophiques ou des pronostics sportifs, joyeusement rassemblés pour énumérer les vices des absents et commenter les derniers adultères avérés? Des lieux où des apéritifs multicolores annoncent des ripailles conviviales, des euphories solidaires, renouvelables et collectives, voire collectivistes dans certains cénacles.

Et puis, la bistrocratie réunirait au grand air, sur des terrasses, grâce à des chaufferettes bienvenues, des rebelles à l’enfermement vaccinal ou autre. Chaufferettes controversées, certes, car il n’est pas exclu qu’elles provoquent un réchauffement d’un milliardième de milliardième de degré dans un milliard de milliards d’années, dans une zone atmosphérique comprise entre Bougy et son Signal. C’est un risque.

Mais qui ne risque rien n’a rien. Alors, malgré tout ce qu’on raconte sur des réseaux non ferroviaires, je le dis carrément:

Osons la bistrocratie!

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