Identification
Veuillez vous identifier

Mot de passe oublié?
Rechercher


Recherche avancée

Fédéralisme différencié: la peur du changement

Pierre-Gabriel Bieri
La Nation n° 2198 8 avril 2022

La Ligue vaudoise s’est intéressée, il y a bien quelques années, au mécanisme du droit de retrait (ou opting out) qui permet à une province canadienne de s’opposer, pour ce qui la concerne, à une restriction de ses compétences décrétée par l’Etat central, tout en laissant le droit fédéral s’appliquer à l’égard des autres provinces qui ne réclament pas une telle exception. La Ligue vaudoise avait envisagé la transcription de ce mécanisme dans l’ordre juridique suisse, sous le nom de fédéralisme différencié. L’idée était de permettre à chaque canton de demander la restitution complète ou partielle, pour lui-même, d’une compétence de la Confédération, pour autant que cette demande soit approuvée par le peuple et les cantons1.

Le conseiller national Jean-Luc Addor a récemment tenté de susciter l’intérêt du Conseil fédéral et du Parlement à l’égard de cette idée. Le 22 mars 2019, il a déposé une interpellation intitulée: «Le fédéralisme différencié. Une idée pour la Suisse?» Sollicitant une prise de position de l’exécutif, il écrivait notamment: «La Suisse n’est pas le Canada. Peut-être pourrait-elle toutefois s’inspirer de son exemple ou des réflexions menées dans le sens d’un fédéralisme différencié. L’enjeu, c’est de préserver ou de restaurer une diversité qui fait la force de la Suisse.»

Le Conseil fédéral lui a répondu le 15 mai de la même année, en argumentant qu’il n’était pas acceptable qu’un canton puisse se soustraire à une décision prise à la majorité du peuple et des cantons, et que les tâches transférées à la Confédération sont justement celles qui excèdent les possibilités des cantons ou qui nécessitent une réglementation uniforme. Et de conclure: «Force est de constater que l’introduction d’un droit de retrait sur le modèle du Canada s’accorde mal avec nos droits populaires et les principes qui régissent le fédéralisme suisse.»

Opiniâtre, M. Addor n’a pas voulu se contenter de cette réponse négative. Le 4 mars 2020, il a transformé son texte en un postulat; un postulat oblige en effet le Conseil fédéral à prendre des mesures ou à présenter un projet de réglementation. En l’occurrence, le postulat Addor demandait que soit soumis au Parlement un rapport présentant «les enjeux et les avantages que représenterait l’apport d’éléments asymétriques supplémentaires dans le fédéralisme suisse».

Sans surprise, le Conseil fédéral a proposé le rejet de ce postulat, en répétant les mêmes arguments qu’il avait développés une année auparavant. On relève au passage cette phrase édifiante: «Le Conseil fédéral doute en particulier que l’étude de systèmes étrangers contribue de manière utile à la réflexion.»

Epilogue le 2 mars 2022: le Conseil national a suivi l’avis du Conseil fédéral et a enterré le postulat Addor par 137 voix contre 53. La peur du changement, généralement attribuée aux classes populaires obscurantistes, existe aussi au sein du monde politique fédéral.

Notes:

1  L’analyse détaillée qui avait été menée sur ce sujet est disponible sur notre site internet www.ligue-vaudoise.ch > «A propos de nous» > «Dossiers».

Vous avez de la chance, cet article est en accès public. Mais La Nation a besoin d'abonnés, n'hésitez pas à remplir le formulaire ci-dessous.
*


 
  *        
*
*
*
*
*
*
* champs obligatoires
Au sommaire de cette même édition de La Nation: