Les trois réformes de Mme Amarelle
Durant les cinq années de son mandat à la tête du Département de la formation, de la jeunesse et des affaires culturelles, Mme Cesla Amarelle a chapeauté trois réformes.
La réforme dite «360°» incorpore les enfants handicapés au système scolaire ordinaire. Cette réforme impose aux enseignants un surcroît de travail et de stress. Elle leur demande des compétences autres que pédagogiques et, par conséquent, l’appui de spécialistes. Elle appelle aussi une réduction des effectifs des classes de façon que l’enseignement, nécessairement plus personnalisé, puisse être dispensé sans que la formation des autres élèves n’en souffre trop. Elle en souffrira quand même. Certains des élèves handicapés, bien intégrés dans leur atelier protégé, seront néanmoins «inclus» pour satisfaire à une exigence abstraite d’égalité. Ils en souffriront aussi. La mise en œuvre de la réforme «360°» se présente comme un interminable et obscur cafouillage. Tout de même consciente de cette situation, Mme Amarelle a proposé, à la dernière minute de la campagne électorale, de retarder la mise en place de cette réforme. Comme on sait, cela n’a pas suffi.
On a entendu Mme Amarelle défendre, au nom de l’égalité, la suppression des devoirs à la maison. Ces devoirs sont des outils de contrôle parental et de rattrapage bienvenus, en tout cas quand les parents s’occupent de leurs enfants. Mais, effectivement, le système renforce les inégalités avec les enfants de parents trop occupés par leur profession et par leur sport, peu instruits ou allophones. Pour l’heure, cette opération, tristement exemplaire, de nivellement par le bas semble au point mort.
Enfin, Mme Amarelle a publié l’année passée, juste avant Noël, une directive1 sur la façon de s’occuper des problèmes d’«identité de genre» ressentis par certains élèves. La Nation en a parlé dans un éditorial à relire2. L’Ecole s’est arrogé le droit de mettre les parents récalcitrants sur la touche: «Rien ne doit être fait dans le dos des parents […]. Mais si c’est impossible de collaborer et que l’élève est en danger, nous nous contentons de les informer de ce qui est fait sans leur accord» déclare, lors de la conférence de presse, une psychologue privée3, apparemment investie du pouvoir de l’Etat. Tout élève devra pouvoir accéder à des toilettes, des vestiaires et des dortoirs non genrés. Les enseignants seront tenus de lui donner le prénom féminin ou masculin qu’il déclarera désirer4. La directive renvoie au «Guide de bonnes pratiques lors d’une transition de genre dans un établissement scolaire et de formation», guide totalement orienté, à la fois polémique et guindé, publié par la Fondation Agnodice. Ce guide5 fait désormais partie du droit vaudois: plus besoin du Grand Conseil pour changer les lois ou en promulguer de nouvelles! Mme Amarelle a inventé le gouvernement par directives privées. On évite du même coup au citoyen la tentation de lancer un référendum car on est, bien entendu, dans l’urgence.
Il est probable que ces trois réformes, dont deux majeures, ainsi que la façon désinvolte dont elles ont été décidées et sont conduites, ont joué un rôle dans l’éviction de la conseillère d’Etat.
On pourrait d’ailleurs mentionner d’autres réformes qui traînent dans le paysage scolaire, comme l’introduction progressive du français simplifié ou la mise en œuvre, malgré les craintes de la Société des maîtres secondaires6, de la «transition numérique» de l’Ecole.
En réalité, Mme Amarelle n’a pas conçu, ni développé, ni rédigé ces réformes, préparées par ses «subordonnées» bien avant son accession au «pouvoir». Elle n’a pas non plus décidé de les introduire dans l’Ecole vaudoise. Elle n’a fait que les présenter à la presse au moment que les auteurs ont jugé opportun. Puis elle a servi de fusible à ces derniers quand trop d’électeurs ont jugé que la coupe était trop pleine.
Les véritables réformateurs, inamovibles et obstinés, aveugles conduisant des aveugles, ne grouillent pas moins qu’avant les élections dans les locaux de la Barre. Ils entendent bien continuer à produire des déferlantes de réformes prétendument égalitaires sous l’œil paterne de leur prochain «chef». A moins que ce ne soit un chef…?
Notes:
2 Félicien Monnier, Transgenres et Ecole vaudoise, La Nation n° 2192 du 14 janvier dernier.
3 Adèle Zufferey, psychologue à la Fondation Agnodice, 24 heures du 13 décembre 2021.
4 Les idéologues sont des gens si sérieux qu’ils n’imaginent pas que ce pourrait être un doux plaisir pour un Frédéric de se faire appeler Gertrude, ou inversement, juste pour faire tourner le maître en bourrique. Je l’aurais fait.
6 Bulletin de la SVMS, N° 2, août 2021
Au sommaire de cette même édition de La Nation:
- Quatre attitudes – Editorial, Félicien Monnier
- Une réponse fédéraliste du Conseil d’Etat – Antoine Rochat
- Lisez, rêvez, écrivez, soyez généreux et surtout faites des Jaloux! – Yves Guignard
- Lancement du journal romand Le Peuple! – Lionel Hort
- Autosatisfaction gouvernementale – Jean-François Cavin
- Occident express 100 – David Laufer
- Le mépris usuel de Roger Nordmann – Félicien Monnier
- Un mystère statistique – Jean-François Cavin
- Les trusts en droit suisse: l’immatérialité d’un avant-projet de loi fédérale – William Barbey
- Notre avis sur l’avis des jeunes façonné par l’avis des adultes – Le Coin du Ronchon