Identification
Veuillez vous identifier

Mot de passe oublié?
Rechercher


Recherche avancée

Eloge du mitage

Jean-François Cavin
La Nation n° 1957 28 décembre 2012

[Les Suisses] ont des manières de vivre qui ne changent point, parce qu’elles tiennent, pour ainsi dire, au sol, au climat, aux besoins divers, et qu’en cela les habitants seront toujours forcés de se conformer à ce que la nature des lieux leur prescrit. Telle est, par exemple, la distribution de leurs habitations, beaucoup moins réunies en villes et en bourgs qu’en France, mais éparses et dispersées çà et là sur le terrain avec beaucoup plus d’égalité. Ainsi, quoique la Suisse soit en général plus peuplée à proportion que la France, elle a de moins grandes villes et de moins gros villages: en revanche on y trouve partout des maisons, le village recouvre toute la paroisse, et la ville s’étend sur tout le pays. La Suisse entière est comme une grande ville divisée en treize quartiers, dont les uns sont sur les vallées, d’autres sur les coteaux, d’autres sur les montagnes. Genève, Saint-Gall, Neuchâtel sont comme les faubourgs: il y a des quartiers plus ou moins peuplés, mais tous le sont assez pour marquer qu’on est toujours dans la ville: seulement les maisons, au lieu d’être alignées, sont dispersées sans symétrie et sans ordre, comme on dit qu’étaient celles de l’ancienne Rome. On ne croit plus parcourir des déserts quand on trouve des clochers parmi les sapins, des troupeaux sur des rochers, des manufactures dans des précipices, des ateliers sur des torrents. Ce mélange bizarre a je ne sais quoi d’animé, de vivant qui respire la liberté, le bien-être, et qui fera toujours du pays où il se trouve un spectacle unique en son genre, mais fait seulement pour des yeux qui sachent voir.

Pour terminer l’année Rousseau, nous offrons à nos lecteurs cet extrait de sa Lettre au maréchal de Luxembourg, du 20 janvier 1763, reproduite dans la revue Les Lettres & les Arts no 13, juillet-septembre 2012.

Heureux désordre de l’habitat, qui est un signe de liberté! Jean-Jacques, amoureux de la nature, n’en excluait pas l’homme. Les aménagistes d’aujourd’hui, qui crient au mitage du territoire à tout bout de champ, ont-ils des yeux qui sachent voir?

Vous avez de la chance, cet article est en accès public. Mais La Nation a besoin d'abonnés, n'hésitez pas à remplir le formulaire ci-dessous.
*


 
  *        
*
*
*
*
*
*
* champs obligatoires
Au sommaire de cette même édition de La Nation: